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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 12:54

La conscience humaine est morte ; dans l’orgie,
Sur elle il s’accroupit ; ce cadavre lui plaît ;
Par moments, gai, vainqueur, la prunelle rougie,
Il se retourne et donne à la morte un soufflet.

La prostitution du juge est la ressource.
Les prêtres font frémir l’honnête homme éperdu ;
Dans le champ du potier ils déterrent la bourse ;
Sibour revend le Dieu que Judas a vendu.

Ils disent : - César règne, et le Dieu des armées
L’a fait son élu. Peuple, obéis, tu le dois ! -
Pendant qu’ils vont chantant, tenant leurs mains fermées,
On voit le sequin d’or qui passe entre leurs doigts.

Oh ! tant qu’on le verra trôner, ce gueux, ce prince,
Par le pape béni, monarque malandrin,
Dans une main le sceptre et dans l’autre la pince,
Charlemagne taillé par Satan dans Mandrin ;

Tant qu’il se vautrera, broyant dans ses mâchoires
Le serment, la vertu, l’honneur religieux,
Ivre, affreux, vomissant sa honte sur nos gloires ;
Tant qu’on verra cela sous le soleil des cieux ;

Quand même grandirait l’abjection publique
À ce point d’adorer l’exécrable trompeur ;
Quand même l’Angleterre et même l’Amérique
Diraient à l’exilé : - Va-t’en ! nous avons peur !

Quand même nous serions comme la feuille morte ;
Quand, pour plaire à César, on nous renierait tous ;
Quand le proscrit devrait s’enfuir de porte en porte,
Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ;

Quand le désert, où Dieu contre l’homme proteste,
Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste,
Le tombeau jetterait dehors les trépassés ;

Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,
Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,
Je vous embrasserai dans mon exil farouche,
Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau !

Mes nobles compagnons, je garde votre culte ;
Bannis, la République est là qui nous unit.
J’attacherai la gloire à tout ce qu’on insulte ;
Je jetterai l’opprobre à tout ce qu’on bénit !

Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.

Devant les trahisons et les têtes courbées,
Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
Sombre fidélité pour les choses tombées,
Sois ma force et ma joie et mon pilier d’airain !

Oui, tant qu’il sera là, qu’on cède ou qu’on persiste,
Ô France ! France aimée et qu’on pleure toujours,
Je ne reverrai pas ta terre douce et triste,
Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !

Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,
France ! hors le devoir, hélas ! j’oublierai tout.
Parmi les éprouvés je planterai ma tente :
Je resterai proscrit, voulant rester debout.

J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu’un a plié qu’on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s’en vont qui devraient demeurer.

Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !

 

Les Châtiments

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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 16:16

I

Temps futurs ! vision sublime !
Les peuples sont hors de l'abîme.
Le désert morne est traversé.
Après les sables, la pelouse ;
Et la terre est comme une épouse,
Et l'homme est comme un fiancé !

 

Dès à présent l'œil qui s'élève
Voit distinctement ce beau rêve
Qui sera le réel un jour ;
Car Dieu dénouera toute chaîne,
Car le passé se nomme haine
Et l'avenir s'appelle amour !

 

Dès à présent dans nos misères
Germe l'hymen des peuples frères ;
Volant sur nos sombres rameaux,
Comme un frelon que l'aube éveille,
Le progrès, ténébreuse abeille,
Fait du bonheur avec nos maux.

 

Oh ! voyez ! la nuit se dissipe ;
Sur le monde qui s'émancipe,
Oubliant Césars et Capets,
Et sur les nations nubiles,
S'ouvrent dans l'azur, immobiles,
Les vastes ailes de la paix !

 

Ô libre France enfin surgie !
Ô robe blanche après l'orgie !
Ô triomphe après les douleurs !
Le travail bruit dans les forges,
Le ciel rit, et les rouges-gorges
Chantent dans l'aubépine en fleurs !

 

La rouille mord les hallebardes.

De vos canons, de vos bombardes,
Il ne reste pas un morceau
Qui soit assez grand, capitaines,
Pour qu'on puisse prendre aux fontaines
De quoi faire boire un oiseau.

 

Les rancunes sont effacées ;

Tous les cœurs, toutes les pensées,
Qu'anime le même dessein,
Ne font plus qu'un faisceau superbe ;
Dieu prend pour lier cette gerbe
La vieille corde du tocsin.

 

Au fond des cieux un point scintille ;
Regardez, il grandit, il brille,
Il approche, énorme et vermeil.
Ô République universelle !
Tu n'es encor que l'étincelle,

Demain tu seras le soleil !

 

II

Fêtes dans les cités, fêtes dans les campagnes !
Les cieux n'ont plus d'enfers, les lois n'ont plus de bagnes.
Où donc est l'échafaud ? ce monstre a disparu.
Tout renaît. Le bonheur de chacun est accru
De la félicité des nations entières.
Plus de soldats l'épée au poing, plus de frontières,
Plus de fisc, plus de glaive ayant forme de croix.
L'Europe en rougissant dit : - quoi ! j'avais des rois !
Et l'Amérique dit : - quoi ! j'avais des esclaves !
Science, art, poésie, ont dissous les entraves
De tout le genre humain. Où sont les maux soufferts ?...
Les libres pieds de l'homme ont oublié les fers
Tout l'univers n'est plus qu'une famille unie.
Le saint labeur de tous se fond en harmonie ;
Et la Société, qui d'hymnes retentit,
Accueille avec transport l'effort du plus petit ;
L'ouvrage du plus humble au fond de sa chaumière
Emeut l'immense peuple heureux dans la lumière ;
Toute l'humanité, dans sa splendide ampleur,
Sent le don que lui fait le moindre travailleur ;
Ainsi les verts sapins, vainqueurs des avalanches,
Les grands chênes remplis de feuilles et de branches,
Les vieux cèdres touffus, plus durs que le granit,
Quand la fauvette en mai vient y faire son nid,
Tressaillent dans leur force et leur hauteur superbe,
Tout joyeux qu'un oiseau leur apporte un brin d'herbe.

 

Radieux avenir. Essor universel !
Epanouissement de l'homme sous le ciel !

 

 

III

Ô proscrits ! hommes de l'épreuve,
Mes compagnons vaillants et doux,
Bien des fois, assis près du fleuve,
J'ai chanté ce chant parmi vous ;

 

Bien des fois, quand vous m'entendîtes,
Plusieurs m'ont dit : « Perds ton espoir.
Nous serions des races maudites,
Le ciel ne serait pas plus noir !

 

Que veut dire cette inclémence ?
Quoi ! le juste a le châtiment !
La vertu s'étonne et commence
A regarder Dieu fixement.

 

Dieu se dérobe et nous échappe.
Quoi donc ! l'iniquité prévaut !
Le crime, voyant où Dieu frappe,
Rit d'un rire impie et dévot.

 

Nous ne comprenons pas ses voies.
Comment ce Dieu des nations
Fera-t-il sortir tant de joies
De tant de désolations ?

 

Ses desseins nous semblent contraires
A l'espoir qui luit dans tes yeux... »
- Mais qui donc, ô proscrits, mes frères,
Comprend le grand mystérieux ?

 

Qui donc a traversé l'espace,
La terre, l'eau, l'air et le feu,
Et l'étendue où l'esprit passe ?
Qui donc peut dire : « J'ai vu Dieu !

 

J'ai vu Jéhovah ! je le nomme !
Tout à l'heure il me réchauffait,
Je sais comment il a fait l'homme,
Comment il fait tout ce qu'il fait !

 

J'ai vu cette main inconnue
Qui lâche en s'ouvrant l'âpre hiver,
Et les tonnerres dans la nue,
Et les tempêtes sur la mer,

 

Tendre et ployer la nuit livide ;
Mettre une âme dans l'embryon ;
Appuyer dans l'ombre du vide
Le pôle du septentrion ;

 

Amener l'heure où tout arrive ;
Faire au banquet du roi fêté
Entrer la mort, ce noir convive,
Qui vient sans qu'on l'ait invité ;

 

Créer l'araignée et sa toile,
Peindre la fleur, mûrir le fruit,
Et sans perdre une seule étoile
Mener tous les astres la nuit ;

 

Arrêter la vague à la rive ;
Parfumer de roses l'été ;
Verser le temps comme une eau vive
Des urnes de l'éternité ;

 

D'un souffle. avec ses feux sans nombre,
Faire, dans toute sa hauteur,
Frissonner le firmament sombre
Comme la tente d'un pasteur ;

 

Attacher les globes aux sphères
Par mille invisibles liens ; ...
Toutes ces choses sont très-claires,
Je sais comment il fait ! j'en viens ! »

 

Qui peut dire cela ? personne.
Nuit sur nos cœurs ! nuit sur nos yeux !
L'homme est un vain clairon qui sonne.
Dieu seul parle aux axes des cieux.

 

IV

 

Ne doutons pas ! croyons ! la fin, c'est le mystère.
Attendons. Des Nérons comme de la panthère,
Dieu sait briser la dent.
Dieu nous essaie, amis. Ayons foi, soyons calmes,
Et marchons. Ô désert ! s'il fait croître des palmes,
C'est dans ton sable ardent !

 

Parce qu'il ne fait pas son œuvre tout de suite,
Qu'il livre Rome au prêtre et Jésus au jésuite,
Et les bons au méchant,
Nous désespérerions ! de lui ! du juste immense !
Non ! non ! lui seul connaît le nom de la semence
Qui germe dans son champ.

 

Ne possède-t-il pas toute la certitude ?
Dieu ne remplit-il pas ce monde, notre étude,
Du Nadir au Zénith ?
Notre sagesse auprès de la sienne est démence ;
Et n'est-ce pas à lui que la clarté commence,
Et que l'ombre finit ?

 

Ne voit-il pas ramper les hydres sur leurs ventres ?
Ne regarde-t-il pas jusqu'au fond de leurs antres
Atlas et Pélion ?
Ne connaît-il pas l'heure où la cigogne émigre ?
Sait-il pas ton entrée et ta sortie, ô tigre,
Et ton antre, ô lion ?

 

Hirondelle, réponds, aigle à l'aile sonore,
Parle, avez-vous des nids que l'Étemel ignore ?
Ô cerf, quand l'as-tu fui ?
Renard, ne vois-tu pas ses yeux dans la broussaille ?
Loup, quand tu sens la nuit une herbe qui tressaille,
Ne dis-tu pas : c'est lui !

 

Puisqu'il sait tout cela, puisqu'il peut toute chose,
Que ses doigts font jaillir les effets de la cause
Comme un noyau d'un fruit,
Puisqu'il peut mettre un ver dans les pommes de l'arbre,
Et faire disperser les colonnes de marbre
Par le vent de la nuit ;

 

Puisqu'il bat l'océan pareil au bœuf qui beugle,
Puisqu'il est le voyant et que l'homme est l'aveugle,
Puisqu'il est le milieu,
Puisque son bras nous porte, et puisque à son passage
La comète frissonne ainsi qu'en une cage
Tremble une étoupe en feu ;

 

Puisque l'obscure nuit le connaît, puisque l'ombre
Le voit, quand il lui plaît, sauver la nef qui sombre,
Comment douterions-nous,
Nous qui, fermes et purs, fiers dans nos agonies,
Sommes debout devant toutes les tyrannies,
Pour lui seul, à genoux !

 

D'ailleurs pensons. Nos jours sont des jours d'amertume,
Mais quand nous étendons les bras dans cette brume,
Nous sentons une main ;
Quand nous marchons, courbés, dans l'ombre du martyre,
Nous entendons quelqu'un derrière nous nous dire :
C'est ici le chemin.

 

Ô proscrits, l'avenir est aux peuples ! Paix, gloire,
Liberté, reviendront sur des chars de victoire
Aux foudroyants essieux ;
Ce crime qui triomphe est fumée et mensonge ;
Voilà ce que je puis affirmer, moi qui songe
L'œil fixé sur les cieux !

 

Les césars sont plus fiers que les vagues marines.
Mais Dieu dit : - Je mettrai ma boucle en leurs narines,
Et dans leur bouche un mors,
Et je les traînerai, qu'on cède ou bien qu'on lutte,
Eux et leurs histrions et leurs joueurs de flûte,
Dans l'ombre où sont les morts !

 

Dieu dit ; et le granit que foulait leur semelle
S'écroule, et les voilà disparus pêle-mêle
Dans leurs prospérités !
Aquilon ! aquilon ! qui viens battre nos portes,
Oh ! dis-nous, si c'est toi, souffle, qui les emportes,
Où les as-tu jetés ?

 

V

Bannis ! bannis ! bannis ! c'est là la destinée.
Ce qu'apporta le flux sera dans la journée
Repris par le reflux.
Les jours mauvais fuiront sans qu'on sache leur nombre,
Et les peuples joyeux et se penchant sur l'ombre,
Diront : cela n'est plus !

 

Les temps heureux luiront, non pour la seule France,
Mais pour tous. On verra, dans cette délivrance,
Funeste au seul passé,
Toute l'humanité chanter, de fleurs couverte,
Comme un maître qui rentre en sa maison déserte,
Dont on l'avait chassé.

 

Les tyrans s'éteindront comme des météores.
Et, comme s'il naissait de la nuit deux aurores
Dans le même ciel bleu,
Nous vous verrons sortir de ce gouffre où nous sommes,
Mêlant vos deux rayons, fraternité des hommes,
Paternité de Dieu !

 

Oui, je vous le déclare, oui, je vous le répète,
Car le clairon redit ce que dit la trompette,
Tout sera paix et jour !
Liberté ! plus de serf et plus de prolétaire !
O sourire d'en haut ! ô du ciel pour la terre
Majestueux amour !

 

L'arbre saint du Progrès, autrefois chimérique,
Croîtra, couvrant l'Europe et couvrant l'Amérique,
Sur le passé détruit,
Et, laissant l'Ether pur luire à travers ses branches,
Le jour, apparaîtra plein de colombes blanches,
Plein d'étoiles, la nuit.

 

Et nous qui serons morts, morts dans l'exil peut-être,
Martyrs saignants, pendant que les hommes, sans maître,
Vivront, plus fiers, plus beaux,
Sous ce grand arbre, amour des cieux qu'il avoisine,
Nous nous réveillerons pour baiser sa racine
Au fond de nos tombeaux !

Les Châtiments

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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 16:01

IX

AUX FRERE DE PANGE

 

Aujourd'hui au tombeau je suis prêt à descendre,

Mes amis, dans vos mains je dépose ma cendre.

Je ne veux point, couvert d'un funèbre linceul,

Que les pontifes saints autour de mon cercueil,

Appelés aux accents de l'airain lent et sombre,

De leur chant lamentable accompagnent mon ombre,

Et sous les murs sacrés aillent ensevelir

Ma vie et ma dépouille, et tout mon souvenir.

Eh ! qui peut sans horreur, à ses heures dernières,

Se voir au loin périr dans des mémoires chères ?

L'espoir que des amis pleureront notre sort

Charme l'instant suprême et console la mort.

Vous-mêmes choisirez à mes jeunes reliques

Quelque bord fréquenté des pénates rustiques,

Des regards d'un beau ciel doucement animé,

Des fleurs et de l'ombrage, et tout ce que j'aimai.

C'est là, près d'une eau pure, au coin d'un bois tranquille,

Qu'à mes mânes éteints je demande un asile :

Afin que votre ami soit présent à vos yeux,

Afin qu'au voyageur amené dans ces lieux,

La pierre, par vos mains de ma fortune instruite,

Raconte en ce tombeau quel malheureux habite ;

Quels maux ont abrégé ses rapides instants ;

Qu'il fut bon, qu'il aima, qu'il dut vivre longtemps.

Ah ! le meurtre jamais n'a souillé mon courage.

Ma bouche du mensonge ignora le langage,

Et jamais, prodiguant un serment faux et vain,

Ne trahit le secret recélé dans mon sein.

Nul forfait odieux, nul remords implacable

Ne déchire mon âme inquiète et coupable.

Vos regrets la verront pure et digne de pleurs.

Oui, vous plaindrez sans doute, en mes longues douleurs,

En ce brillant midi qu'annonçait mon aurore,

Et ces fruits dans le germe éteints avant d'éclore,

Que mes naissantes fleurs auront en vain promis.

Oui, je vais vivre encore au sein de mes amis.

Souvent à vos festins qu'égaya ma jeunesse,

Au milieu des éclats d'une vive allégresse,

Frappés d'un souvenir, hélas ! amer et doux,

Sans doute vous direz : « Que n'est-il avec nous ! »

 

Je meurs. Avant le soir j'ai fini ma journée.

A peine ouverte au jour, ma rose s'est fanée.

La vie eut bien pour moi de volages douceurs ;

Je les goûtais à peine, et voilà que je meurs.

Mais, oh ! Que mollement reposera ma cendre,

Si parfois, un penchant impérieux et tendre

Vous guidant vers la tombe où je suis endormi,

Vos yeux en approchant pensent voir leur ami ;

Si vos chants de mes feux vont redisant l'histoire ;

Si vos discours flatteurs, tout pleins de ma mémoire,

Inspirent à vos fils, qui ne m'ont point connu,

L'ennui de naître à peine et de m'avoir perdu !

Qu'à votre belle vie ainsi ma mort obtienne

Tout l'âge, tous les biens dérobés à la mienne ;

Que jamais les douleurs, par de cruels combats,

N'allument dans vos flancs un pénible trépas ;

Que la joie en vos cœurs ignore les alarmes ;

Que les peines d'autrui causent seules vos larmes ;

Que vos heureux destins, les délices du ciel,

Coulent toujours trempés d'ambroisie et de miel,

Et non sans quelque amour paisible et mutuelle.

Et quand la mort viendra, qu'une amante fidèle,

Près de vous désolée, en accusant les dieux,

Pleure, et veuille vous suivre, et vous ferme les yeux.

 

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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 11:49

Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?


                                                          - Oui.
J'ai mis le feu là.

                          - Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;
Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !

                                   - Je ne sais pas lire.

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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 17:00

La probité est encore plus chère aux gens de bien que l'érudition aux doctes.

 

Qu'il serait doux de vivre parmi nous, si la contenance extérieure était toujours l'image des disposition du cœur ; si la décence était la vertu ; si nos maximes nous servaient de règles ; si la véritable philosophie était inséparable du titre de philosophe.

 

L'élévation et l'abaissement journalier des eaux de l'océan n'ont pas été plus régulièrement assujettis au cours de l'astre qui nous éclaire durant la nuit que le sort des mœurs et de la probité au progrès des sciences et des arts. On a vu la vertu s'enfuir à mesure que leur lumière s'élevait sur notre horizon, et le même phénomène s'est observé dans tous les temps et dans tous les lieux.

 

Voilà donc le plus sage des hommes au jugement des dieux, et le plus savant des Athéniens au sentiment de la Grèce entière, Socrate, faisant l'éloge de l'ignorance ! Croit-on que s'il ressuscitait parmi nous, nos savant et nos artistes lui feraient changer d'avis ? Non, messieurs, cet homme juste continuerait de mépriser nos vaines sciences ; il n'aiderait point à grossir cette foule de livres dont on nous inonde de toutes parts, et ne laisserait, comme il a fait, pour tout précepte à ses disciples et à nos neveux, que l'exemple et la mémoire de sa vertu. C'est ainsi qu'il est beau d'instruire les hommes !

Socrate avait commencé dans Athènes ; le vieux Caton continua dans Rome de se déchaîner contre ces Grecs artificieux et subtils qui séduisaient la vertu et amollissaient le courage de ses concitoyens. Mais les sciences, les arts et la dialectique prévalurent encore : Rome se remplit de philosophes et d'orateurs ; on négligea la discipline militaire, on méprisa l'agriculture, on embrassa des sectes et l'on oublia la patrie. Aux noms sacrés de liberté, de désintéressement, d'obéissance aux lois, succédèrent les noms d'Epicure, de Zénon, d'Arcésilas. Depuis que les savants ont commencé à paraître parmi nous, disaient leurs propres philosophes, les gens de bien se sont éclipsés. Jusqu'alors les Romains s’étaient contentés de pratiquer la vertu ; tout fut perdu quand ils commencèrent à l'étudier.

 

Les anciens politiques parlaient sans cesse de mœurs et de vertu ; les nôtres ne parlent que de commerce et d'argent.

 

Que nos politiques daignent suspendre leurs calculs pour réfléchir à ces exemples, et qu'ils apprennent une fois qu'on a de tout avec de l'argent, hormis des mœurs et des citoyens.

 

Si la culture des sciences est nuisible aux qualités guerrières, elle l'est encore plus aux qualités morales. C'est dès nos premières années qu'une éducation insensée orne notre esprit et corrompt notre jugement. Je vois de toutes parts des établissements immenses, où l'on élève à grands frais la jeunesse pour lui apprendre toutes choses, excepté ses devoirs.

 

O vertu ! Science sublime des âmes simples, faut-il donc tant de peines et d'appareil pour te connaître ? Tes principes ne sont-ils pas gravés dans tous les cœurs, et ne suffit-il pas pour apprendre tes lois de rentrer en soi-même et d'écouter la voix de sa conscience dans le silence des passions ? Voilà la véritable philosophie, sachons nous en contenter; et sans envier la gloire de ces hommes célèbres qui s'immortalisent dans la république des lettres, tâchons de mettre entre eux et nous cette distinction glorieuse qu'on remarquait jadis entre deux grands peuples ; que l'un savait bien dire et l'autre, bien faire.

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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 16:26

Le force a fat les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués.

 

Sous les mauvais gouvernements, cette égalité n'est qu'apparente et illusoire ; elle ne sert qu'à maintenir le pauvre dans sa misère et le riche dans son usurpation. Dans le fait les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n'ont rien : D'où il suit que l'état social n'est avantageux aux hommes qu'autant qu'ils ont tous quelque chose et qu'aucun d'eux n'a rien de trop.

 

On n'a droit de faire mourir, même pour l'exemple, que celui qu'on ne peut conserver sans danger.

 

Toute justice vient de Dieu, lui seul en est la source ; mais si nous savions la recevoir de si haut nous n'aurions besoin ni de gouvernement ni de lois.

 

À ces trois sortes de lois, il s'en joint une quatrième, la plus importante de toutes ; qui ne se grave ni sur le marbre ni sur l'airain, mais dans les cœurs des citoyens ; qui fait la véritable constitution de l’État ; qui prend tous les jours de nouvelles forces ; qui, lorsque les autres lois vieillissent ou s'éteignent, les ranime ou les supplée, conserve un peuple dans l'esprit de son institution, et substitue insensiblement la force de l'habitude à celle de l'autorité. Je parle des mœurs, des coutume, et surtout de l'opinion ; partie inconnue à nos politique, mais de laquelle dépend le succès des autres : partie dont le grand Législateur s'occupe en secret, tandis qu'il paraît se borner à des règlement particuliers qui ne sont que le cintre de la voûte, dont les mœurs, plus lentes à naître, forment enfin l'inébranlable Clef.

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 20:30

Le jeudi 2 juillet, Jean-Jacques se leva de bonne humeur, se promena dehors, comme de coutume, jusqu'à l'heure de son déjeuner et but avec Thérèse un bol de café au lait. Comme elle se préparait à sortir, il lui recommanda de ne pas oublier de payer le serrurier. Lui-même devait se rendre au château, où il avait promis de donner une leçon de musique à la fille de son hôte. Au bout de quelques instants, sa femme rentra et le trouva assis sur une chaise, le coude appuyé sur une commode, gémissant. Il se plaignait de picotements à la plante des pieds, d'un frisson glacial le long de l'épine dorsale, de douleurs dans la poitrine. Inquiète, Thérèse avait fait avertir le château. Mme de Girardin accourut, mais il la renvoya. Puis il souffrit de terribles céphalées : il tenait sa tête à deux mains et disait « qu'il semblait qu'on lui déchirait le crâne ». Dans un de ces accès, il tomba de son siège, la face contre terre. On le releva aussitôt, mais il était mort. Il était dix heures du matin.

 

Le Deuil éclatant du bonheur, Raymond Trousson

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 16:16

1. Un jour qu’Anthistène avait levé sur lui son bâton, Diogène lui présenta sa tête et dit: « Frappe, car tu ne trouveras pas de bois assez dur pour m’écarter, tant qu’il est claire que tu as quelque chose à dire ».

 

2. Un jour, Diogène qui était en train de manger des figues sèches, rencontra Platon et lui dit: « Tu as le droit d’avoir ta part ». Platon en prit et les mangea. « J’ai dit avoir ta part, pas avaler, dit Diogène.

 

3. Un jour que Diogène parlait sérieusement et que personne ne s’approchait, il se mit à gazouiller. Comme des gens s’étaient alors attroupés, il leur reprocha de venir avec empressement pour écouter des niaiseries, mais de tarder négligemment pour les choses sérieuses.

 

4. Un jour Diogène s’écria: « Holà des hommes! » Tandis que des gens s’attroupaient, il les frappa de son bâton en disant: « C’est des hommes que j’ai appelés, pas des ordures. »

 

4. A un homme qui lui avait dit: « Aux Jeux Pythique je suis champion catégorie hommes », Diogène rétorqua: « C’est moi le champion catégorie hommes; toi, c’est catégorie esclaves ».

 

5. Invité à un repas, Diogène déclara qu’il n’y assisterait pas; car la dernière fois qu’il y était allé, on ne lui avait même pas su gré. 

 

6. Ayant vu un jour un jeune enfant qui buvait dans ces mains, Diogène sortit son gobelet de sa besace et le jeta, en disant: « Un jeune enfant m’a battu sur le chapitre de la frugalité! »

 

7. Alors que Diogène prenait le soleil au Cranéion, Alexandre le Grand survint qui lui dit: « Demande-moi ce que veux.» Et lui de dire: « Cesse de me faire de l’ombre! ».

 

8.A qui parlait des  phénomènes célestes, Diogène dit: « Depuis combien de jours es-tu revenu du ciel? »

 

9. Un méchant homme avait mis cette inscription sur sa maison: « QUE PERSONNE DE MAUVAIS N’ENTRE ICI ». « Mais le propriétaire de la maison », dit Diogène, « par où donc entrera-t-il? »

 

10. Platon avait défini l’homme comme un animal bipède sans plumes et la définition avait du succès; Diogène pluma un coq et l’amena à l’école de Platon. « Voilà, dit-il, l’homme de Platon! »

 

11. Quelqu’un demandait à Diogène à quelle heure il faut déjeuner, il répondit : « Si tu es riche, quand tu veux; si tu es pauvre, quand tu peux. »

 

12. A Mégare Diogène vit les moutons protégés par des peaux de cuir, tandis que les enfants des gens de Mégare étaient nus. « Il est plus avantageux, dit-il, d’être le bélier d’un habitant de Mégare que son fils. »

 

13. Quelqu’un avait heurté violemment Diogène avec une poutre et lui avait dit ensuite: « Attention! ». « Vas-tu donc me frapper une seconde fois? » demanda-t-il.

 

14. A Lysias l’apothicaire qui lui demandait s’il croyait à l’existence des dieux, Diogène répondit: « Comment n’y croirais-je pas, dès lors que je vois en toi un ennemi des dieux? »

 

15. Un jour Alexandre le Grand envoya une lettre à Antipater [général sous Alexandre puis gouverneur de Macédoine] à Athènes, par l’intermédiaire d’un certain « Athlios » (« Misérable »); Diogène qui était là dit: « Misérable message d’un Misérable porté par un Misérable à l’intention d’un Misérable. »

 

16. Ayant vu un jour  les hiéromnémons [magistrats qui ont la garde d’un temple] emmener quelque un qui avait dérobé une coupe appartenant au trésor du temps, Diogène dit: « Les grands voleurs emmènent le petit. »

 

17. Au cours d’un repas, des gens lançaient à Diogène des os comme à un chien; lui, avec désinvolture, leur pissa dessus comme un chien.

 

18. Face à des bains publics qui étaient sales, Diogène eut ce mot: « Ceux qui se baignent ici, où se lavent-ils? »

 

19. Diogène était le seul à faire l’éloge d’un joueur de cithare costaud, déprécié par tous. Comme on lui en demandait la raison, il dit. « Parce que, tout en ayant cette corpulence, il joue de la cithare au lieu de faire le brigand ».

 

20. Le joueur de cithare que ses auditeurs laissaient toujours tomber, il le salua joyeusement d’un : « Bonjour coq! » Comme l’autre lui demandait de s’expliquer, il dit: « Parce que, quand tu chantes, tu fais lever tout le monde. »

 

21. Un jour quelqu’un dit à Diogène: « Les gens de Sinope t’ont condamné à l’exil », il répliqua : « Eh bien, moi, je les ai assigné à résidence. »

 

22. Un jour Diogène demandait l’aumône à une statue. Comme on l’interrogeait sur la raison qui le poussait à agir ainsi: « Je m’exerce, dit-il, à essuyer des échec ».

 

23. On demandait à Diogène laquelle des bêtes sauvage provoque la pire morsure, il répondit: « Chez les bêtes sauvages, le sycophante; chez les animaux domestiques, le flatteur. »

 

24. On demandait à Diogène pourquoi l’or est jaune pâle, il dit: « Parce qu’il a beaucoup de gens qui complotent contre lui ».

 25. Un jour, ayant vu des femmes pendues aux branches d’un olivier, Diogène dit. « Si seulement tout les arbres portaient pareils fruits! »

 

26. Quelqu’un avait demandé à Diogène quel était son vin préféré, il répondit: « Celui des autres. »

 

27. On demandait à Diogène pourquoi les gens font l’aumône aux mendiants et non aux philosophes, il répondit: « Parce que s’il craignent de devenir un jour boiteux et aveugles, jamais ils ne craignent de devenir philosophes .»

 

28. Il demandait un jour l’aumône à un avare; comme celui-ci tardait à donner, Diogène lui dit: « Mon ami, c’est pour ma nourriture que je te demande l’aumône, pas pour ma sépulture. »

 

29. Un jour Platon, à la vue de Diogène occupé à laver des légumes, s’approcha et lui dit tranquillement: « Si tu flattais Denys, tu ne laverais pas des légumes. » Ce à quoi Diogène répliqua tout aussi tranquillement: « Et toi, si tu lavais des légumes, tu ne flattais pas Denys .»

 

30. Quelqu’un dit à Diogène: «  La plupart de gens se moquent de toi »,il dit: « Peut-être que les ânes se moquent de ces gens aussi. Mais pas plus que ceux-ci ne font attention aux ânes, moi je ne fais attention à eux. »

 

31. Diogène demandait l’aumône à un homme déplaisant, L’autre lui dit: «  D’accord, si tu arrives à me convaincre ». A quoi Diogène rétorqua: « Si je pouvais te convaincre, je te convaincrai de te pendre. »

 

32. Alors que Diogène déjeunait sur la place publique, les gens qui faisaient cercle autour de lui n’arrêtaient pas de lui dire: « Chien !» Mais lui rétorquait: « C’est vous qui êtes des chiens, puisque vous faites cercle autour de moi pendant que je mange. »

 

33.A la vue d’un lutteur sans talent qui s’adonnait à la médecine, Diogène dit: « Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce que maintenant tu veux envoyer dans l’autre monde ceux qui un jour t’ont vaincu? »

 

34. On demanda à Diogène d’où il était, il répondit: « Je suis citoyen du monde. »

 

35. Diogène dit à un homme qui était en train de se parfumer: «  Prends garde à ce que la bonne odeur de ta tête ne confère pas une mauvaise odeur à vie! »

 

36. Voyant un archer sans talent, Diogène s’assit tout près de la cible et dit: «  C’est pour ne pas être atteint. »

 

37. Antisthène conseillait aux Athéniens de décider par voie de vote que les ânes sont des chevaux. Comme eux trouvaient l’idée absurde, il leur dit: « Mais pourtant, chez vous, on devient stratège sans avoir rien appris; il suffit d’un vote à main levée .»

 

38. Chez Lucius Mullius, considéré alors à Rome comme le meilleur des peintre, Servilius Geminus se trouvais à dîner; devant la laideur des fils de sont hôtes, il déclara: « Tes talents sont différents, Mullius, en sculpture et en peinture. » Mullius répliqua: « C’est que je sculpte dans l’obscurité et que je peins en pleine lumière. »

 

39. Démosthène, attiré par la réputation de Laïs, dont la beauté suscitait alors l’admiration de toute la Grèce, all la trouver pou jouir lui aussi de faveurs si réputées. Mais quand il eut appris qu’il en coûtait un demi-talent pour une seule nuit, il prit congé avec ce bon mot: « Je n’achète pas si cher un repentir. »

 

40. Cicéron dînait chez Damasippe; celui-ci avait servi  un vin médiocre et disait: « Buvez donc ce Falerne, il a quarante ans. » « Il porte bien son âge », rétorqua Cicéron.

 

41. A l’occasion du consulat du Vatinius, dont l’exercice ne dura que quelques jours, circulait un mot célèbre de Cicéron :« Un grand prodige s’est produit l’année de Vatinius, dit-il, en effet sous sont consulat, on ne vit ni hiver, ni printemps, ni été, ni  automne. »

 

42. Puis à Vatinius qui s’était plaint qu’il n’était pas venu le voir pendant sa maladie, il répondit: « J’ai voulu venir pendant ton consulat mais nuit m’a surpris. »

 

43.Cicéron à propos d’un consul dont le consulat n’aurait duré qu’un seul jour: « Nous avons un consul vigilent en Caninuis qui n’a pas fermé l’œil pendant son consulat. »

 

44.Comme on lui avait rapporté l’ampleur de la dette, dépassant vingt millions de sesterces, qu’un chevalier romain avait réussi à cacher de son vivant, Auguste, lors de la mise aux enchères de ses bien, fit acheter le matelas pour son compte et comme on s’étonnait de sa volonté, il donna l’explication suivante: « Il doit favoriser le sommeil, le matelas sur lequel cet homme a pu dormir malgré le poids de ses dettes.»

 

45. La réplique blessante d’un certain provincial est restée célèbre. Cet homme d’une ressemblance frappante avec Auguste était venu à Rome et tous les regards se retournaient sur lui; Auguste le fit amener devant lui et après l’avoir examiné, il le questionna ainsi: « Dis-moi, jeune homme, ta mère est-elle jamais venue à Rome? » Il répondit par la négative et sans s’arrêter là, il ajouta: « Mais mon père, lui, y est venu souvent. »

 

46.Contre Galba, orateur illustre mais frappé d’une disgrâce physique [il était bossu], circulait un mot célèbre du Marcus Lolluis: « Le talent de Galba est bien mal logé. »

 

47. Le roi Antigone, après avoir juré d’épargner Théocrite de Chio, le fit mourir pour le punir d’une raillerie sur son compte. On emmenait Théocrite vers Antigone, pour qu’il s’entendît condamner; mais ses amis le consolaient et l’enjoignaient à espérer, lui disant que, de toute façon, il éprouverait la clémence du roi, dès qu’il serait sous ses yeux: «  Il est donc irréalisable, répondit-il, l’espoir de salut dont vous me parlez. » On sait qu’Antigone était borgne. Ce trait d’esprit, hors de propos, coûta la vie au mauvais plaisant.

 

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 12:09

 

I, XXXIV

 

Il faut agir, il faut marcher, il faut vouloir.

Mais songer comme un turc et dormir comme un loir,

Aller aux champs, au bois, au bal, puis chez les filles,

Ce n'est point la façon de sauver nos familles,

De relever nos droits, de redresser nos fronts,

Et de porter remède au mal que nous souffrons.

On a la chaîne au cou, mais des fleurs sur la tête ;

On rêve l'âge d'or antique de la bête

Où tout était charmant pourvu qu'on s'accouplât ;

On est spirituel, on est jeune, on est plat.

Oh ! que de lâchetés ! oh ! l'abjecte débauche

Où la chute du peuple et de l'homme s'ébauche !

Cela ne sert à rien de faire des vainqueurs.

Ah ! la mort du pays suit le sommeil des cœurs.

Le devoir est un dieu qui ne veut pas d'athée.

Je dis que la patrie auguste est souffletée,

Que ce n'est point l'instant des jeux, mais des combats.

Et que, lorsqu'on aura mis le tyran à bas

Et la loi sur le trône, il sera temps de rire.

Réveillez-vous ! je dis que la patrie expire,

Que cette mère, hélas, dont j'écoute les cris,

A besoin de Brutus et non de Sybaris,

Qu'il lui faut plus de fronts sévères et moroses,

Plus de bras étreignant des glaives, moins de roses,

Et que voilà pourquoi, moi, ployé par les ans,

Sur la place publique, au milieu des passants,

En face du soleil sacré qui nous éclaire,

J'apporte ma vieille âme et ma vieille colère !

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 11:47

I, II

 

Lorsque j'étais encore un tout jeune homme pâle,

Et que j'allais entrer dans la lice fatale,

Sombre arène où plus d'un avant moi se perdit,

L'âpre Muse aux regards mystérieux m'a dit :

- Tu pars ; mais quand le Cid se mettait en campagne

Pour son Dieu, pour son droit et pour sa chère Espagne,

Il était bien armé ; ce vaillant Cid avait

Deux casques, deux estocs, sa lance de chevet,

Deux boucliers ; il faut des armes de rechange ;

Puis il tirait l'épée et devenait archange.

As-tu ta dague au flanc? voyons, soldat martyr,

Quelle armure vas-tu choisir et revêtir ?

Quels glaives va-t-on voir luire à ton bras robuste ?

- J'ai la haine du mal et j'ai l'amour du juste,

Muse ; et je suis armé mieux que le paladin.

Et tes deux boucliers ? - J'ai mépris et dédain.

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