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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 14:36

Il était une fois un derviche très vénéré qui vivait dans petite cellule près d'un chemin caravanier. Ses exercices religieux occupaient le plus clair de son temps.

 

Un jour, des marchands apportèrent une grande quantité d'or, qu'ils déposèrent devant sa porte. Le lendemain matin, l'or avait disparu. Les voyageurs avaient parlé de leur offrande dans la ville voisine, et les gens se demandaient si le derviche ne s'était pas approprié l'or qui lui avait été confié.

 

Bien des années plus tard, le derviche mourut. Les habitants de cette ville entreprirent de construire un tombeau, un maqbara, qui incorporerait sa cellule. Ils y travaillaient, quand un mur se dégagea, révélant le trésor et une planche sur laquelle le derviche avait écrit :

 

"Cet or a été caché dans ce mur pour éviter la tentation. Veillez, vous aussi, à ne pas être tentés."

 

Les derviches racontent cette histoire pour montrer que leurs confrères sont souvent incompris, pour montrer aussi qu'ils travaillent dur à surmonter la tentation et à éviter à autrui d'être tenté.

 

Les soufis et d'autres racontent aussi cette histoire, pour illustrer la différence entre le soufi et le derviche. Le derviche est l'homme des règles, qui doit s'en tenir aux croyances et aux pratiques parce qu'en réalité il ne sait rien. Le soufi est celui qui sait, entre autres choses, comment se détacher de la tentation, et comment utiliser l'or, si quelqu'un lui offre de l'or.

 

Qu'on ne pense pas que, sous ce rapport, les soufis et les derviches soient opposés. Le derviche représente le plus haut degré que puisse atteindre l'homme ordinaire, au plan moral, et le soufi, le plus haut degré que puisse atteindre l'homme conscient.

 

Idries Shah

Le Moi dominant

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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 14:05

Un poète alla voir un maître soufi de grand renom. Il assista aux réunions des mois durant, sans que jamais personne ne lui prête attention.

À la fin, désenchanté, le poète demanda au soufi la permission de s'en aller : il désirait poursuivre son chemin, à la rencontre de son destin.

Le soufi lui dit :

"Que préfères-tu : de l'argent pour ton voyage, ou trois conseils ?"

Le poète préféra recevoir de l'argent. Avec de l'argent, on peut acheter des conseils, tandis que les conseils ne donnent pas à manger.

Il se remit en route, et des voleurs lui prirent son argent : il en conclut qu'il n'était pas fait pour la vie soufie. C'est ici qu'il quitte notre histoire.

Un deuxième homme, un marchand cette fois, vint suivre l'enseignement du soufi. Il travailla pour lui pendant des années. Il n'avait même pas le droit d'avoir des relations d'amitié avec les autres disciples. À la fin, il se dit :  "J'en ai assez !" , et il demanda lui aussi la permission de partir.

Le soufi lui proposa de l'argent ou des conseils. Le marchant pensa : "L'argent, je sais le gagner : je suis un commerçant. Mais des conseils, on n'en trouve pas partout. "

Il choisit les conseils.

"Voici le premier, dit le soufi : "Ne prends jamais le nouveau chemin, si agréable soit-il."

Le marchand pensa : " Un tiers de l'argent qu'il m'aurait donné vient de s'envoler ! Quelle sorte de conseil est-ce là ?"

Mais il demeura impassible, et le soufi poursuivit :

"Voici le second conseil : "Choisis le plus petit même s'il semble être le moindre."

Le marchant pensa : "Les deux tiers de mon argent se sont envolés ! Ce conseil ne me semble pas très logique..."

Il dit au soufi :

"O grand maître ! Veux-tu être assez bon pour me donner, au lieu du dernier conseil,un tiers de l'argent : il couvrira en partie les frais de mon voyage ! »

Le soufi éclata de rire.

"Soit !" dit-il, et il donna cent pièces d'or au marchand.

Celui-ci partit sur-le-champ. Le chemin devint bientôt très accidenté et escarpé. Il continua et arriva bientôt en un lieu où un nouveau tunnel avait été creusé à travers la colline. Il allait s'y engager, soulagé d'être au bout de ses peines, lorsque lui revinrent soudain à l'esprit les paroles du soufi : "Ne prends jamais le nouveau chemin, si agréable soit-il."

Il fit demi-tour, sortit de la galerie souterraine et gravit péniblement la colline. Quand il eut descendu l'autre versant, il rencontra des voyageurs qui lui apprirent que le tunnel s'était effondré. Il calcula que, s'il l'avait pris, il se serait trouvé à ce moment-là au beau milieu.

Il poursuivit son chemin jusqu'à la ville la plus proche, où il s'arrêta. Son attention fut attirée par un homme qui vendrait de grosses poules pour une somme modique et par un autre qui en proposait de petites pour une sommes bien supérieure. Il se dit que ce serait une bonne idée d'investir son argent dans l'élevage de la volaille. Il s'apprêtait à acheter les grosses poules lorsque les paroles du soufi lui revinrent à l'esprit : "Choisis le plus petit même s'il semble être le moindre." Il acheta les petites poules et mit sur pied une exploitation agricole. Les petites poules se révélèrent bientôt être d'excellentes pondeuses, alors que les grosses, que le premier vendeur lui avait en définitive offertes, ne pondaient pas du tout.

Sur ces entrefaites, une guerre éclata. Le marchant fut enrôlé de force dans l'armée, les autorités usurpèrent sa ferme ; il n'avait plus un sou. Il fut capturé par l'ennemi, réduit en esclavage, condamné à ramer sur les galères. Un jour, il reconnut parmi les passagers de la galère sur laquelle il ramait (elle transportait des voyageurs de l'autre côté de la mer) un des élèves du maître soufi.

"Je regrette de ne pas avoir accepté le troisième conseil et d'avoir pris l'argent à la place, dit-il à son condisciples.

- Prendre le conseil, c'était sans doute la meilleure chose à faire, répondit l'autre, mais moi, je ne sais pas. Le maître nous a dit après ton départ : "Les cent pièces d'or que j'ai données à cet homme ne le dédommageront pas de la perte du troisième conseil, qui est "Si tu mets sur pied une exploitation agricole, vends-la dès que possible et rends-toi dans un autre pays !" 

Dans l'intervalle, un troisième homme, un savant cette fois, qui avait pris conscience des limites de l'érudition livresque et pédante, s'était joint aux disciples du maître soufi. Pendant des années il fréquenta les disciples et exécuta des tâches dénuées de tout intérêt. Puis un jour, lui aussi demanda la permission de s'en aller. Le maître lui dit :

"Pars si tu dois partit, mais il est préférable d'attendre d'être renvoyé : en compagnie, on est en sûreté."

Le savant décida de rester jusqu'à ce que le maître le renvoie.

Quelques années après cette conversation, le maître dit un jour au savant :

"Tu peux maintenant reprendre tes voyages. Veux-tu de l'argent ou trois conseils ?"

Le savant choisit les conseils.

Le maître lui dit :

"Voici le premier conseil : "Ne mange jamais ce dont tu peux facilement te passer."

Le savant mémorisa la phrase.

Le maître poursuivit :

"Voici le second conseil : "Refuse toujours de prendre des raccourcis."

Le savant hocha la tête.

Alors le maître lui donna le troisième conseil :

"Si l'on t'offre quelque chose, tu n'as plus besoin de chercher."

Le savant assura au maître qu'il avait bien compris.

"Nous verrons", répliqua le soufi.

Quand le savant eut achevé ses préparatifs de voyage, il vint faire ses adieux au maître. Celui-ci l'invita à prendre un repas à sa table.

"Je peux facilement m'en passer : je me rappelle le premier conseil, dit le savant.

- Très bien, dit le maître avec un sourire, mais si tu es si pressé de partir, tu peux te joindre à une caravane qui va bientôt quitter le carrefour. Tu devras pour cela courir à travers champs.

- Maître, dit le savant, je n'oublie pas tes instructions. Tu m'as dit : "Refuse toujours de prendre les raccourcis."

- En ce cas, dit le maître, je suis en mesure de t'offrir l'illumination. Tu es prêt à la recevoir.

- Merci, dit le savant. Comme il est dit dans le troisième conseil : "Si l'on t'offre quelque chose, tu n'as plus besoin de chercher."

 

Idries Shah

Le Moi dominant

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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 14:32

Croire, mais pas en nous

 

Parce qu'on a apporté du pain, du linge blanc,

A quelque humble logis sous les combles tremblant

Comme le nid parmi les feuilles inquiètes ;

Parce qu'on a jeté ses restes et ses miettes

Au petit enfant maigre, au vieillard pâlissant,

Au pauvre qui contient l'éternel tout-puissant ;

Parce qu'on laissé Dieu manger sous sa table,

On se croit vertueux, on se croit charitable !

On dit : « Je suis parfait ! louez-moi ; me voilà ! »

Et, tout en blâmant Dieu de ceci, de cela,

De ce qu'il pleut, du mal dont on le dit la cause,

Du chaud, du froid, on fait sa propre apothéose.

Le riche qui gorgé, repu, fier, paresseux,

Laisse un peu d'or rouler de son palais sur ceux

Que le noir janvier glace et que la faim harcèle ;

Ce riche-là, qui brille et donne une parcelle

De ce qu'il a de trop à qui n'a pas assez,

Et qui, pour quelques sous du pauvre ramassés,

S'admire et ferme l’œil sur sa propre misère,

S'il a le superflu, n'a pas le nécessaire :

La justice ; et le loup rit dans l'ombre en marchant

De voir qu'il se croit bon pour n'être pas méchant.

Nous bons ! nous fraternels ! ô fange et pourriture !

Mais tournez donc vos yeux vers la mère nature !

Que sommes-nous, cœurs froids où l'égoïsme bout,

Auprès de la bonté suprême éparse en tout ?

Toutes nos actions ne valent pas la rose.

Dès que nous avons fait par hasard quelque chose,

Nous nous vantons, hélas ! vains souffles qui fuyons !

Dieu donne l'aube au ciel sans compter les rayons,

Et la rosée aux fleurs sans mesurer les gouttes ;

Nous sommes le néant ; nos vertus tiendraient toutes

Dans le creux de la pierre où vient boire l'oiseau.

L'homme est l'orgueil du cèdre emplissant le roseau.

Le meilleur n'est pas bon vraiment, tant l'homme est frêle,

Et tant notre fumée à nos vertus se mêle !

Le bienfait par nos mains pompeusement jeté

S'évapore aussitôt dans notre vanité ;

Même en le prodiguant aux pauvres d'un air tendre,

Nous avons tant d'orgueil que notre or devient cendre ;

Le bien que nous faisons est spectre comme nous.

L’Incréé, seul vivant, seul terrible et seul doux,

Qui juge, aime, pardonne, engendre, construit, fonde,

Voit nos hauteurs avec une pitié profonde.

Ah ! Rapides passants ! Ne comptons pas sur nous,

Comptons sur lui. Pensons et vivons à genoux ;

Tâchons d'être sagesse, humilité, lumière ;

Ne faisons point un pas qui n'aille à la prière ;

Car nos perfections rayonneront bien peu

Après la mort, devant l'étoile et le ciel bleu.

Dieu seul peut nous sauver. C'est un rêve du croire

Que nos lueurs d'en bas sont là-haut de la gloire ;

Si lumineux qu'il ait paru dans notre horreur,

Si doux qu'il ait été pour nos cœurs pleins d'erreur,

Quoi qu'il ait fait, celui que sur la terre on nomme

Juste, excellent, pur, sage et grand, là-haut est l'homme ;

C'est-à-dire la nuit en présence du jour ;

Son amour semble haine auprès du grand amour ;

Et toutes ses splendeurs, poussant des cris funèbres,

Disent en voyant Dieu : Nous sommes les ténèbres !

Dieu, c'est le seul azur dont le monde ait besoin.

L'abîme en en parlant prend l'atome à témoin.

Dieu seul est grand ! c'est là le psaume du brin d'herbe ;

Dieu seul est vrai ! c'est là l'hymne du flot superbe ;

Dieu seul est bon ! c'est là le murmure des vents ;

Ah ! ne vous faites pas d'illusions, vivants !

Et d'où sortez-vous donc, pour croire que vous êtes

Meilleurs que Dieu, qui met les astres sur vos têtes,

Et qui vous éblouit, à l'heure du réveil,

De ce prodigieux sourire, le soleil !

 

Les Contemplations

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 11:05

Dits des soufis et comment ils s'appliquent dans les situation d'enseignement

 

  1. Pour quiconque a du bon sens, un signe est suffisant. Pour l'inattentif, mille exposés ne sont pas assez. (Haji Bektash)

    Le matériel soufi, les expériences, les explications peuvent être enregistrés à un niveau et doivent attendre, pour être pleinement compris, que l' « inattention » disparaisse. La principale source en est le « moi dominant ».

  2. Des choses apparemment opposées peuvent en réalité œuvrer ensemble. (Rûmî)

    Il faut en faire l'expérience. Rester attaché à ce qui est de toute évidence opposé aux idées soufies, et invoquer ce dicton, est le fait des superficiels.

  3. L'apparent est le pont vers le Réel.

    Encore une fois, les penseurs superficiels et les « émotionnels » choisiront quelque chose d'apparent et décideront que c'est le pont vers le réel. Seuls certains éléments de l'apparent sont un pont vers la réalité.

  4. Soyez dans le monde, mais ne soyez pas du monde.

    On doit être capable de se détacher des choses du monde, sans avoir rompu ses liens avec lui. (S'être coupé du monde est un état pathologique.)

  5. Le Chemin n'est rien d'autre que le service des gens. (Saadi)

    Ce service doit être de la bonne sorte : ni esclavage, ni hypocrisie.

  6. Nul ne parvient au degré de la vérité tant que mille personne sincères ne l'ont pas déclaré hérétique. (Junayd)

    Au nombre des personnes sincères, il y a celle qui se font sincèrement des idées fausses, superficielles ou inexactes.

  7. Celui qui connaît Dieu ne dit pas « Dieu ». (Bayazid)

    Dans leur for intérieur, les superficiel pensent à « Dieu » comme à quelqu'un ou quelque chose que l'on peut « acheter », auquel on peut demander telle ou telle choses. Celui qui en sait davantage ne peut utiliser ce terme, qui contient des éléments indignes tels que ceux-là.

  8. Si tu fends le cœur d'une seule goutte d'eau,

    Il en émerge cent purs océans. (Shabistari)

    Une très légère impulsion émanant de la réalité soufie peut déclencher une compréhension profonde. Mais les gens recherchent la stimulation et le bruit.

  9. Celui qui est l'Homme accompli, c'est celui qui dans sa perfection

    Fait, tout maître qu'il est, le travail d'un esclave. (Shabistari)

    Réfléchissez-y.

  10. Un homme caché dans une couverture est le souverain du monde

    Une épée endormie dans un fourreau est la protectrice du royaume. (Amir Khusru)

    Les choses sont-elles ce qu'elle paraissent ?

  11. Meurs avant de mourir.

    Pour contemplation.

  12. La pagode et la Kaaba sont demeure de servitude

    Le tintement des cloches est la mélodie de l'esclavage

    Le fil (sacré) et l'église, et la croix et le chapelet
    Vraiment, ils sont tous le signe de la servitude. (Khayam)

    L'attachement à l'extérieur, aux rites et aux symboles, l'automatisme, le conditionnement : c'est ce que les gens, trop souvent, prennent pour la foi et la religion.

  13. La pierre de touche, c'est ce qui connaît l'or véritable. (Saadi)

    Le « moi dominant », l'esprit subjectif qui est un composé d'instinct et d'instruction, d'intellect et d'émotion : c'est ce qui s'interpose en chacun de nous entre l' « or » et la « pierre de touche ».

  14. Une sollicitation, un appel de la Vérité valent mieux que mille efforts. (Rûmî)

    Les gens croient pouvoir « prendre d'assaut les portes du paradis ». En réalité, c'est une question de moment, de lieu et de participants (« le moment, le lieu, les gens ») : les justes éléments doivent être réunis pour que l'impulsion supérieure puisse agir sur l'individu convenablement préparé.

  15. L'oiseau qui ne connaît pas l'eau pure

    A le bec dans l'eau salée tout l'année. (Akhlaq-i-Muhsini)

    Les gens sont conditionnés à penser que certaines choses sont utiles, sublimes, réelles et vraie. Avec quoi peuvent-ils mettre ces choses en comparaisons ?

  16. Tranquille celui qui n'est pas venu au monde. (Khayam)

    C'est pourquoi celui qui est venu au monde n'est rien moins que tranquille...

  17. Si l'âne qui a porté Jésus dans Jérusalem allais à La Mecque

    Serait-il moins âne quand il en reviendrait ?

  18. Vous n'existiez pas quand votre travail a été créé ;

    Vous avez été créé à partir d'un océan de travail. (Shabistari)

  19. Être un soufi, c'est maintenir les états par rapport à la Réalité objective (Al Muqri, dans Shabistari)

    Dans l'état soufi, la perception de la Réalité devient possible.

  20. Dans la cellule et le cloître, le monastère et la synagogue,

    L'un vit dans la crainte de l'enfer, l'autre pense au paradis.

    Mais aucun de ceux qui connaissent les secrets divins

    N'a ensemencé son cœur en pareilles fantaisies. (Khayam)

  21. On fourbit l'or avec du son...Mais quiconque se transforme en son sera mangé par les vaches.

    L'utilisez-vous, ou vous utilise-t-il ?

  22. L'esprit assez vaste pour la Vérité suprême

    Ne peut se rétrécir au monde : comprends-tu, toi qui écoutes ? (Ibn el-Arabi)

  23. Le soufi est quelqu'un qui ne possède pas et n'est pas possédé. (Nuri)

  24. Il a vu la montagne, il n'a pas vu la mine dedans la montagne. (Rûmî)

  25. L'amour est accordé, pas mérité. (Hujwiri)

  26. L'amour réel n'est ni diminué par la méchanceté ni renforcé par la gentillesse et la bonté. (Yaya ibn Mu'adh)

  27. L'unification est silence et, toujours, pensée ;

    La discussion vient et l'unification s'en va.

    Une fois que « tu » est prononcé, la dualité est établie ;

    L'unification s'en va dès le moment où l'on dit son nom. (Dara Shikoh)

  28. La richesse révèle les mauvaises choses auparavant cachées par la pauvreté.

    On met une graine en terre

    Pour qu'aux jours d'infortune elle donne des fruits. (Saadi)

  29. Quiconque est sans impressions et a été poli

    Devient un miroir pour l'impression du Caché. (Rûmî)

  30. Ne tords pas les rênes à cause des difficultés du Chemin, ô Cœur ;

    L'homme du Chemin ne se soucie pas des hauts et des bas. (Hafiz)

  31. Quel libre arbitre as-tu, homme inattentif,

    Personne dont l'essence est vide, illusoire ?

    Dis-moi d'où vient ton libre arbitre.

    Quelqu'un dont l'essence n'est pas sienne

    N'a ni bien ni mal dans son essence. (Shabistari)

  32. Parlez aux gens en fonction de leur compréhension.

  33. Tu es toi-même sous ton propre voile. (Hafiz)

 

Idries Shah

Apprendre à connaître

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24 septembre 2011 6 24 /09 /septembre /2011 11:51

Quoi de plus risible que de voir des gens psalmodier gravement des textes, sans savoir quels passages utiliser et quels passages exclure.

 

  1. Les livres fondamentaux contiennent souvent certaines parties qui, tel un cran de sécurité, empêchent réellement le sens de fonctionner lorsque ces livres tombent entre des mains incapables. Ceux qui cherchent la « clé » des textes spéciaux ne se rendent pas compte que la porte est verrouillée, et la clé dans la serrure. C'est en retirant la clé que celle-ci fonctionne : il n'y pas d'autre moyen de la faire fonctionner.

  2. La littérature classique initiatique contient des matériaux destinés à divers genres d'individus, utiles à différents moments. Dévorer tous les ces textes sans savoir cela, et sans être capable de choisir ou de prescrire les passages essentiels, ne sert pratiquement à rien. L'étude insatiable de matériaux choisis au hasard peut même être nocive.

  3. Rassembler des textes comparables puisés dans livres ou empruntés à différentes écoles est une entreprise hasardeuse. Au mieux, c'est une effort inutile. Les anthologistes et autres étudiants superficiels s'engagent dans cette activité parce qu'en fait ce qui les intéresse c'est d'associer les matériaux similaires, quelle que soient les intentions qu'ils pensent avoir.

  4. Certains textes appartenant à la littérature supérieure sont chiffrés. Il en est ainsi pour diverses raisons. La raison essentielle n'est pas de mettre les étudiants au défi de pénétrer leurs secrets.

  5. Des spécialistes de la littérature supérieure ont mis au point, il y a des siècles, toutes les méthodes permettant d'employer les mots de façon que leurs livres remplissent plusieurs fonctions (une fonction d'instruction, une fonction d'information, une fonction culturelle) sur différents niveau. Rappelez-vous : vous ne pouvez percevoir les divers niveaux avant d'être prêt ; aucune « clé » simple ne vous y aidera. Cela est particulièrement important s'agissant de « protéger ». Supposons que vous soyez né et que vous ayez été élevé dans une seule et unique pièce. Si l'on vous fait sortir, alors que vous n'avez pas les moyens de survivre dans le monde extérieur, vous allez probablement périr.

  6. Les textes qui ont l'apparence de textes ésotériques n'ont souvent rien d'ésotérique : ils sont conçus pour un autre but. Ce but n'est sans doute pas de ceux dont vous pouvez faciliter la réalisation. Vous avez besoin de directives expertes en la matière.

  7. A l'inverse, de très nombreux textes, dénués de signification ou d'intention ésotériques apparentes, ressortissent du domaine supérieur. Si vous ne pouvez pas le percevoir, vous avez besoin d'être guidé.

  8. Une grande part de la littérature supérieure n'a aucune valeur du point de vue du développement si elle est étudiée isolément. Son action dépend de certaines conditions expérimentales et d'expériences vécues à travers des sources autres que les oreilles ou les yeux. Si vous ne le savez pas, vous avez besoin d'être guidé.

 

Idries Shah, Apprendre à connaître

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24 septembre 2011 6 24 /09 /septembre /2011 11:26

  Arrière-plan, technique et théorie des système ésotériques

 

  1. Des informations aberrantes sont insérées afin d'écarter les individus inaptes. C'est un « filtre ». Cela implique que l'ésotériste peut adopter un comportement qui mécontente ou éloigne l'individu inapte.

  2. Il est peu probable que l'apparence extérieure d'une organisation ésotérique, et même ses principes déclarés, aient une réelle importance. Ceux qui les tiennent pour essentiels, pour qui ces formes et ces principes sont le fondement de leur conviction, restent des exotéristes.

  3. De nombreux matériels d'étude ont deux ou plusieurs signification/dimension. La révélation de ces significations exige une technique spéciale, peu familière.

  4. Le principe directeur est celui-ci : un certain nombre d'individus d'une certaine qualité doivent être reliés au sein d'une quelconque association. C'est cela, et non l'endoctrinement, la persuasion ou même le service de l'homme (on ne peut servir avant d'en être capable), qui est le dessein fondamental.

  5. Toutes les institutions finissent par s'altérer, par devenir des groupement sociaux, à moins qu'une connaissance spéciale ne les en préserve ou les régénère.

  6. Il faut distinguer les demande émotionnelle, intellectuelle, sociale, thérapeutique. Les systèmes authentiques, c'est-à-dire ceux qui ont encore de la vitalité, ne confondent pas l'une avec l'autre.

  7. Les textes, les rituels, les exercices, tous les éléments habituels de l'étude et de la pratique représentent très souvent une dégradation de ce qui était, à l'origine, des facteurs de compréhension ayant une fonction précise.

  8. L'homme est emprisonné dans le temps et l'espace. Il y a deux moyen de le libérer : (a) recourir à des procédés qui annulent le temps et l'espace ; (b) utiliser le déroulement des événement et le « lieu » pour agit au moment où leur rythme est propice à des « percées » de la conscience humaine.

  9. L'homme est enclin à s'attacher aux gens et aux objets. L'ésotériste a pour objectif d'aider l'individu à découvrir un « moi » qui puisse s'attacher à quelque de plus raffiné.

  10. Le temps, et d'autres facteurs, rendent les cultes et les formulations ésotériques caducs : ils deviennent des fossiles. Les disciples ignorants n'en contiennent pas moins de les considérer comme fonctionnels.

  11. Il n'est pas possible de combiner efficacement deux ou plusieurs formules de développement. Celui qui choisit dans ces système ce qu'il pense pouvoir lui convenir est en train de mélanger des recette et risque de fabriquer un poison.

  12. Un groupe d'individu qui accomplit un travail ésotérique peut, en apparence, avoir une fonction complètement différente.

  13. De nombreuse organisations, religieuses et autres, gardent la trace d'un travail supérieur conscient. En fait, il est possible d'identifier les conditions culturelles et autres du groupe originel au vu de ce qui reste des théories et des pratiques religieuses.

  14. Dans une véritable organisation supérieure, fonctionnant correctement, les concepts d'amour, de dévouement, d'effort, de discipline et d’auto-apprentissage, comme les principes moraux, doivent être proportionnés. La fonction se dégrade quand l'organisation se stabilise sur un principe unique ou sur une gamme étroite de théories et de techniques.

  15. L'ignorance des processus du penser humain est depuis de nombreux siècles responsable de ce que des systèmes par ailleurs admirables sont transformés par des esprits relativement ignorants en mécanismes servant à implanter et maintenir des obsessions ; ou en mécanismes visant à maintenir une information confondue avec la connaissance, ou à encourager un comportement charitable ou récréatif, ou qui relève de la sociologie ou de la psychologie, en laissant croire qu'il remplit une autre fonction.

  16. Des tendances superficielles du penser humain ont été adoptées et encouragées, alors qu'elles sont souvent des obstacles à la compréhension. C'est ainsi que certains tirent profit de l'humaine propension à préférer ce qui est nouveau, ou ancien, ou lointain, ce qui est dit avec autorité, ce qui est mystérieux, ce qui fait appel à l'émotion, etc.

  17. L'incompatibilité apparente entre les principes de certains systèmes tient seulement au fait que des « règles » différentes se sont appliquées selon la communauté concernée, selon l'époque et le lieu. Tel remède a été prescrit pour telle maladie. Ceux qui ont la maladie devraient accepter le remède. Inversement, s'ils n'ont pas attrapé la maladie, le remède peut être mauvais pour eux. Ou ils peuvent avoir besoin d'un autre remède.

 

Idries Shah, Apprendre à connaître

 

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9 septembre 2011 5 09 /09 /septembre /2011 21:39

Pourquoi les soufis ont-ils été appelé ainsi

 

Certains ont soutenu que les soufis furent appelés de ce nom à cause de la pureté (safâ') de l'intime de leur être et de l'absence de souillure de leurs actes. Selon Bichr Ibn al-Hârith, « le soufi est celui dont le cœur est pur à l'intention de Dieu ». D'après un autre, « le soufi est celui dont le comportement est pur à l'égard de Dieu et dont le charisme (karâma) qui lui vient de Dieu – que soient proclamées Sa Puissance et Sa Majesté ! – est pur ».

 

Selon une autre explication, les soufis ont été appelés ainsi parce qu'ils sont, devant Dieu, au premier rang (suff), du fait que de leurs aspirations (himam) s'élèvent jusqu'à Lui, que leur cœur se tourne avec empressement vers Lui, et que l'intime de leur être se tient en arrêt devant Lui.

 

D'après certains, ils auraient été désignés du nom de soufis parce que leurs caractéristiques sont proches de celles des « hommes du banc » (ahl al-suffa) qui vivaient à l'époque de l'Envoyé de Dieu – que Dieu prie sur lui et le salue !

 

Selon d'autres, ils furent nommés soufis parce qu'ils portaient un vêtement de laine (sûf).

 

Ceux qui rattachent leur nom au « banc » (sûffa) et à la « laine » (sûf) expriment ainsi l'apparence extérieure de leur état spirituel. Ce sont en effet des hommes qui ont délaissé ce bas monde, ont quitté leur demeure, ont fui leurs amis, parcourant les pays, le ventre creux, dénudés, ne prenant des choses d'ici-bas que l'indispensable pour avoir une tenue décente et calmer leur faim. Parce qu'ils ont quitté leur demeure on les appelle aussi « étranger » (ghurabâ'), et à cause de leurs nombreux voyages on les désigne sous le nom de « pèlerins » (sayyâhûn). Du fait de leurs pérégrinations dans les régions désertiques et parce qu'ils prennent refuge en cas de nécessité dans les cavernes, les autochtones les ont surnommés « les hommes de cavernes » (chikaftiyya) car le mot « chikaft » dans leur langue désigne une grotte ou caverne.

 

Les Syriens leur ont donné le nom de « faméliques » parce qu'ils prennent seulement comme nourriture ce qui maintient les forces dont ils ont besoin, conformément à la parole du Prophète « Des aliments qui maintiennent ses forces devraient suffire au fils d'Adam. » Sarî Saqatî les a décrits en ces termes : « Ils mangent comme des malades, ils dorment comme des gens qui font naufrage, et ils parlent comme des hommes stupides. »

 

Du fait de leur renoncement à la propriété on les a appelés « pauvres ». On avait demandé à l'un d'eux ce qu'était le soufi, et il répondit : « Celui qui ne possède pas et n'est pas objet de possession. », voulant dire par là qu'il n'était pas l'esclave des désirs. À la même question, un autre déclara : « Le soufi est celui qui ne possède rien et qui, si jamais il vient à posséder quelque chose, le donne. »

 

À cause de leur vêtement et de leur aspect on leur a donné le nom de soufis, car ils ne portent pas ce qui est doux au toucher et agréable à regarder, ce qui serait flatter les passions l'âme, mais uniquement une tenue décente, se contentant d'un tissu au poil rugueux et d'une laine grossière.

 

Tout cela était la condition des « hommes du banc », qui vivaient à l'époque de l'Envoyé de Dieu. Ils étaient en effet « étrangers » et « pauvres », des exilés qui avaient quitté leur demeure et leurs biens. Abû Hurayra et Fadâla Ibn'Ubayd en firent la description suivante : « Ils tombaient de faim à tel point que les Arabes bédouins les prenaient pour des fous. » Ils étaient vêtus de laine, et, au dire de certains, cela les faisaient transpire tellement qu'ils exhalaient l'odeur des moutons qui ont reçu la pluie. Ceci au point que 'Uyayna Ibn Hisn dit au Prophète : « L'odeur de ces gens m'incommode, ne t'incommode-t-elle point toi aussi ? »

 

La laine est d'ailleurs aussi le vêtement des prophètes et la mise des saints. C'est ainsi que, selon la parole du Prophète rapportée par Abû Mûsâ Ach'âri, «  soixante-dix prophètes, pieds nus et vêtus de manteaux de laine, sont passés par le rocher de Rawlâ, et ils se rendaient au Temple Antique (de la Mecque) » D'après Hasan Basrî, « Jésus – que la paix soit sur lui – se vêtait de crin, se nourrissait des fruits des arbres, et passait la nuit là où il s'arrêtait. » Selon une autre tradition d'Abû Mûsâ, le Prophète se vêtait de laine, prenait des ânes comme monture, et se rendait à l'invitation des pauvres gens. Hasan Basrî disait encore qu'il avait connu soixante-dix Compagnons ayant combattu à Badr qui ne se vêtaient que de laine. Ceux qui se comportaient comme les « hommes du banc », selon ce que nous avons indiqué, ayant les mêmes vêtements et la même tenue qu'eux, portèrent donc le nom de « suffiya » et du « sûffiyya » (soufis).

 

Quand on rattache leur nom à l'élite (safwa) et au premier rang (saf), on exprime alors ce qui se rapporte à leur être intime et à leur état intérieur. Dieu, en effet, purifie le secret de l'âme et illumine le cœur de celui qui quitte le monde, y renonce et s'en détourne. Selon une parole du Prophète, « quand la lumière pénètre dans le cœur, il se dilate et s'épanouit. » On lui demanda « quel en est donc le signe, ô Envoyé de Dieu ? » ; il répondit « s'éloigner du monde illusoire, se tourner vers le monde éternel, et se préparer à la mort avant qu'elle ne survienne. » Ainsi le Prophète avait fait savoir que Dieu illumine le cœur de celui qui s'éloigne de ce bas monde. Et quand il questionna Hâritha sur la réalité profonde (haqîqa) de sa foi (imân), celui-ce déclara : « J'ai détaché mon âme de ce monde, assoiffé pendant le jour en veillant la nuit, et ce fut comme si je voyais se dresser le Trône de mon Seigneur, et comme si j'apercevais les habitants du Paradis qui se rendaient visite et ceux de l'Enfer qui se repoussaient. » Selon ce récit, après qu'il se fut détaché du monde, Dieu lui illumina le cœur, de sorte que ce qui lui était primitivement caché lui était devenu visible. Le Prophète s'écria alors : « Quiconque veut voir un serviteur dont Dieu a illuminé le cœur n'a qu'à regarder Hâritha ! » À cause de ces caractéristiques, de tels hommes ont été appelés « illuminés » (nûriyya). Elles étaient également celles des « hommes du banc ». Dieu a dit en effet : « Il a y là des hommes qui aiment à se purifier ; et Dieu aime ceux qui se purifient . » Il s'agit de se purifier extérieurement des souillures et de se purifier intérieurement des pensées qui surgissent dans l'esprit et des idées qui se meuvent dans la conscience. Dieu a dit : « Des hommes que nul négoce et nul troc ne distraient de l'invocation (dhikr) de Dieu. »

 

En outre, à cause de la pureté de leur être intime, leur intuition (firâsa) est juste. Selon une tradition du Prophète rapportée par Abû Umâma Bâhilî : « Prenez garde à l'intuition du croyant, car il regarde avec la lumière de Dieu ! » Abû Bakr le Véridique avait déclaré : « Mon cœur a reçu l'inspiration que l'enfant porté dans son sein par Bint Khârija est une fille » ; et il en fut comme il l'avait annoncé. De même le Prophète a dit « La Vérité parle par la bouche de 'Umar. » Uways Qarâni, salué par Harim Ibn Hayyân, lui rendit ses salutations en l'appelant par son nom, alors qu'il ne l'avait jamais vu auparavant ; et il lui dit ensuite : « Mon âme a reconnu ton âme. » « Si vous vous entretenez avec les « hommes de la sincérité (sidq), dit Abû 'Abd'Allâh Antâki, soyez vous-mêmes sincères, car ils sont les observateurs des cœurs ! Ils pénètrent dans l'intimité de votre âme et décèlent vos intentions. »

 

Quiconque possède de telles qualités : limpidité de l'être profond, pureté du cœur, lumière de l'âme, est « au premier rang », car elles caractérisent les « devançants » (sâbiqûn). Selon une tradition du Prophète : « Soixante-dix mille membre de ma Communauté entreront au Paradis sans jugement », précisant ensuite « pour les autres ou pour eux-mêmes ils n'ont point de recours aux talismans ni aux cautérisations, mais ils s'en remettent à leur Seigneur avec confiance. » À cause de la pureté de leur être intime, de l'ouverture de leur âme, et de l'illumination de leur cœur, les connaissances qu'ils tiennent de Dieu sont justes ; ils ne se réfèrent pas aux causes secondes (asbâb), confiants qu'ils sont en Dieu, s'en remettant à Lui, et acceptant Son Décret (qadâ).

 

Toutes ces qualités et toutes les significations de ces mots se trouvent réunies dans les nomes et les appellatifs désignant la « communauté spirituelle » (qawm). Les expressions en sont exactes, et leur emploi en est facilement compréhensible. Même s'ils diffèrent en apparence, leur sens est concordant. Si on le tire de safâ (pureté) et safwa(élite), le terme qui désigne ces hommes est alors celui de safawiyya. Si on le rapporte à saff (rang) ou suffa (banc), ils sont des saffiyya ou des suffiyya. Il est possible, dans le premier cas, que la lettre wâw ait été placée avant la lettre , ce qui donne bien le mot sûfiyya (soufis) ; et, dans le deuxième cas, ajouter le wâw à saffiyya ou suffiyya serait dû à l'usage linguistique. Si, enfin, on a tiré le mot sûfiyyadu sûf (laine), il est parfaitement correct, et cette désignation est linguistiquement juste.

 

Dans tous les cas, ces termes expriment le renoncement et le détachement de l'âme à l'égard de ce bas monde, le fait de quitter sa demeure et de voyager sans cesse, de ne pas flatter les passions de l'âme, de purifier sa conduite, de rendre limpide l'intime de son être, d'ouvrir son cœur, et de se comporter en « devançant ». Ajoutons à cela ce que dit Bundâr Ibn Husayn : « Le soufi est celui que Dieu a choisi pour lui-même et qu'Il a traité avec affection (sâfâ), le libérant de son âme (égoïste) et lui épargnant dès lors tout effort et toute contrainte en vue d'un motif personnel. Et le mot sûfiya = il a été traité avec affection est (un verbe passif) du même type morphologique que 'ûfiya : il a été protégé, à savoir que c'est Dieu qui l'a protégé, et kûfiya : il a été rétribué, par Dieu, ainsi que jûziya : il a été récompensé, par Dieu. L'action de Dieu sur lui est donc manifeste dans son nom même de sûfi, et Dieu est seul à s'occuper de lui. »

 

Interrogé sur la définition du soufi, Abû 'Alî Rûdhabâri répondit : « C'est celui qui a revêtu de laine (sûf) sa pureté (sâfâ'), qui a fait goûter à ses désirs personnels la saveur de la privation, et qui, ayant laissé ce bas monde derrière lui, a suivi la voie de l’Élu (Mohammad. »

 

La même question ayant été posée à Sahl Ibn'Abd Allâh Tustarî : «C'est, dit-il, celui qui est pur de tout ce qui trouble, qui est rempli de méditation, qui s'est retiré des hommes pour se consacrer à Dieu, et pour qui l'or et l'argile se valent. »

 

On demanda à Abû-l-Hasan Nûrî ce qu'était le soufisme (tasawwuf) : « C'est, répondit-il, délaisser tout ce qui flatte l'âme. »

 

Interrogé sur le même sujet, Junayd définit le soufisme : «  C'est purifier son cœur de l'approbation des hommes, abandonner ses tendance innées, maîtriser les dispositions de la nature humaine, écarter les incitations égoïstes, fixer en soi les qualités spirituelles, s'attacher à la connaissance des réalités immatérielles, utiliser ce qui est mieux pour la vie éternelle, pratiquer le (devoir de) bon conseil envers la Communauté tout entière, tenir envers Dieu l'engagement de rester fidèle à la vérité, et suivre l'Envoyé dans (l'accomplissement de la foi). »

 

Selon Yûsuf Ibn Husayn : « Chaque Communauté a une élite, dépôt précieux de Dieu qu'Il a caché à Ses créatures, et s'il y en a une dans cette Communauté-ci, ce sont les soufis. »

 

Quelqu'un demanda à Sahl Ibn'Abd Allâh Tustarî : « Qui fréquenterai-je parmi les différents groupes musulmans ? » « N'as qu'as fréquenter les soufis, répondit-il, car rien n'a à leurs yeux une importance exagérée et ne saurait être totalement désapprouvé. Pour eux, tout acte peut être interprété, et ils te trouveront des excuses en n'importe quelle circonstance. » La même question ayant été posée par Yûsuf Ibn Husayn à Dhû-l-Nûn : « Fréquente, dit-il, celui qui ne possède rien et qui ne désapprouvera aucune situation dans laquelle tu pourras te trouver, qui ne changera pas même si toi tu changes beaucoup, car plus tu changeras, plus tu auras besoin de lui ! »

 

On rapporte également de Dhû-l-Nûn ceci : « Au bord de la mer, en Syrie, je vis, dit-il, une femme, et je lui demandai : « D'où viens-tu – que Dieu te fasse miséricorde ! –  ? » Elle me répondit : « D'auprès de gens qui répugnent à reposer leur corps sur une couche, et qui prient leur Seigneur avec crainte et désir. » – Et où vas-tu ? Insistai-je. – Vers des hommes « que nul négoce et nul troc ne distraient de l'invocation de Dieu. – Décris-les-moi ! Lui demandai-je. Elle se mit alors à déclamer ces vers :

 

Des hommes dont les préoccupations s'attachent à Dieu, et dont les aspirations ne s'élèvent vers personne d'autre.

 

Leur quête est celle de leur Maître et de leur Seigneur, et quelle noble quête que celle de l'Unique, l'Impénétrable !

 

Ils ne se disputent rien de ce monde, ni rien de ce qui est excellent, ni nourritures, ni plaisirs, ni progénitures, ni vêtement somptueux et élégants, ni la joie reposante de rester au pays.

 

Il ne luttent qu'à la poursuite du lieu éternel dont chaque pas les rapproche.

Ils courent par les étangs et les vallées, et on les rencontre en nombre sur les hauteurs. »

 

Abû Bakr Kalâbâdhi (mort en 385/995)

Traité de soufisme. Les Maîtres et les Étapes

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9 septembre 2011 5 09 /09 /septembre /2011 17:38

Abu Qasim Junayd

 

Les fondements traditionnels

de la vie spirituelle /

Le tasawwuf

 

  1. Toutes les voies sont fermées aux créatures, sauf à celui qui met ses pas dans ceux de l'Envoyé, qui suit sa règle de vie (Sunna) et qui demeure sur la route qu'il a tracée. Le chemin de tous les bienfaits lui est alors ouvert.

  2. Cette science qui est nôtre est subordonnée au Livre et à la Sunna ; et quiconque n'a pas appris le Coran, n'a pas transcrit la Tradition, et n'a pas étudié la Loi, ne saurait servir d'exemple.

  3. Ô jeune homme ! attache-toi à la science (=doctrine musulmane), même si des états mystiques surviennent en toi. La science restera ta compagne, alors que les états mystiques se résorberont en toi et disparaîtront ; Dieu n'a-t-il point dit en en effet : « Et ceux qui sont enracinés solidement dans la science disent : « Nous croyons en cela. Tout vient de notre Seigneur... » (Coran, 3,7)

  4. Junayd disait à ses disciples : « Si je savais qu'une prière de deux rak'a vaudrait mieux pour moi que de siéger devant vous, je ne resterais pas assis avec vous.

  5. Ja'far Khuldi vit Junayd en songe après sa mort, et il lui demanda ce que Dieu avait fait de lui. Junayd lui répondit : « Toutes ces illusions ésotériques avaient été balayées, tous ces discours théoriques avaient disparu, toutes ces connaissances s'étaient évanouies, tout ce formalisme s'en était allé ; la seule chose qui m'a servi, ce sont ces quelques petites rak'a que nous faisions à l'aube. »

  6. Si je savais qu'il existe sous l'azur du ciel une science de Dieu plus noble que celle dont nous nous entretenons avec nos disciples et nos frères, je m'efforcerais de l'atteindre et je partirais à sa recherche.

  7. Depuis vingt ans, cette science qui est nôtre et dont nous nous entretenons, a replié son tapis, et les gens ne dissertent que sur ses franges.

  8. Le tasawwuf (la vie spirituelle, le « soufisme ») est basé sur huit vertus qui lui sont propres : la générosité de l'âme (sakha'), l'acceptation du destin (rida), la patience (sabr), la discrétion du langage (ichara), l'exil volontaire (ghurba), le port de la laine (lubs al-suf), la pérégrination (siyaha), et la pauvreté (faqr). La générosité d'âme est représentée par Abraham, l'acceptation du destin par Ismaël, la patience par Job, la discrétion du langage par Zacharie, l'exil par Jean, le port de la laine par Moïse, la pérégrination par Jésus, et la pauvreté par Mohammad.

  9. Le tasawwuf, c'est que l’Être divin te fasse mourir à toi-même, et qu'Il te fasse vivre par Lui.

  10. Le tasawwuf, c'est que tu sois avec Dieu, et que tu n'aies plus aucune attache.

  11. Le tasawwuf, c'est sortir de toute disposition vile et entrer dans toute disposition noble.

  12. Le tasawwuf, c'est une capture violente, sans merci.

  13. Le tasawwuf, c'est invoquer avec récollection, c'est éprouver une émotion forte en écoutant, et c'est œuvrer en prenant exemple.

  14. Ce mot de tasawwuf désigne un attribut dans lequel le serviteur est établi. « Un attribut du serviteur, maître ! ou un attribut de l’Être divin ? » lui demanda Abu Bakr al-Mala'iqi. Un attribut de l’Être divin en réalité, et un attribut du serviteur en apparence, telle fut la réponse de Junayd.

  15. Les (vrais) hommes du tasawwuf sont du passé, le tasawwuf est devenu charlatanerie, /Le tasawwuf est devenu une gourde à ablution, un tapis de prières et une tunique bigarrée, /Le tasawwuf est devenu des cris que l'on pousse, une extase simulée et un coup de folie, / et l'on se trompe, ce comportement n'a rien de commun avec la voie qui permet d'atteindre le But.

  16. La science du tasawwuf est une science que seul connaît l'homme doué d'intuition et familiarité avec la Vérité, /il ne la connaît pas celui qui n'en as pas le témoignage intérieur, et comment un aveugle pourrait-il voir la lumière du soleil ?

  17. Le chemin qui mène à Dieu, c'est un repentir (tawba) qui dissout la persévérance dans la faute, une crainte (khawf) qui supprime la négligence, une espérance (raja') qui entraîne sur la voie du bien, et c'est aussi se savoir observé par Dieu (muraqaba) quand les pensées surgissent dans le cœur.

  18. Le soufi est semblable à une terre sur laquelle on jette toute sorte de choses laides et dont il ne sort que des choses belles.

  19. Le soufi est comme le sol que foule aussi l'homme pieux que l'homme pervers, ou comme le nuage qui abrite de son ombre toute chose, ou encore comme la pluie qui arrose toute chose.

  20. À la question : « Qui la Sagesse (hikma) prend-elle en amitié, en qui se repose-t-elle et se réfugie-t-elle ? » Junayd répondit : « Celui en qui toutes les convoitises ont été tranchées, celui en qui les désirs dus à la considération des choses ont disparu, celui en qui toutes les aspirations et tous les gestes se sont concentrés sur l'unique objet de l'être (dhat) de son Seigneur, celui dont les actions bénéfiques rejaillissent sur tous les hommes de son temps.

 

Les « stations spirituelles / maqamat

et les « états mystiques »/ ahwal

 

  1. Le repentir (tawba) implique trois réalité spirituelle : la première est la contrition, la deuxième le ferme propos de ne plus retomber dans ce que Dieu a interdit, la troisième est de s'employer à réparer ses torts.

  2. Le renoncement (zuhd), c'est que le cœur soit vide de tout ce dont la main est vide.

  3. Le renoncement, c'est considérer ce bas monde comme peu de chose et en effacer toute trace dans son cœur.

  4. Il est hautement recommandable au novice débutant qu'il ne distraie point son cœur avec les trois préoccupation suivantes : l'acquisition de son gagne-pain, la recherche de la conversation (avec le profane), et le mariage.

  5. La pauvreté spirituelle (faqr), c'est que le cœur soit vide des formes.

  6. Le véritable pauvre (faqir), c'est celui qui se passe de toute chose et de qui toute chose se passe.

  7. La pauvreté spirituelle est un océan d'épreuves, et chacune d'elles est un honneur.

  8. On avait posé à Junayd la question suivante : « Se savoir pauvre envers Dieu (iftiqar) est-ce plus parfait que se ravoir riche par Lui (istighna') ? » Il fournit la réponse que voici : « Si la conscience de la dépendance envers Dieu est véritable, celle de pouvoir se passer de tout grâce à Lui l'est aussi, et la richesse (ghina) est pleinement réalisée ; la question de savoir laquelle des deux est la plus parfaite ne se pose plus, car aucun des deux états n'est parfait sans l'autre . »

  9. Heureux le pauvre dont la pauvreté est véritable ! quand tu lui jette un peu de ta science, elle se met à fondre, tel le plomb dans le feu.

  10. Dieu a honoré les croyants par la foi (iman), Il a honoré la foi par l'intelligence (aql), et Il a honoré l'intelligence par la patience (sabr). Ainsi la foi est l'ornement des croyants, l'intelligence est l'ornement de la foi, et la patience est l'ornement de l'intelligence.

  11. Passer de cette vie à l'autre est facile et peu de chose pour le croyant ; abandonner les créatures pour la cause de Dieu est pénible ; passer du « moi » à Dieu est difficile et douloureux ; mais faire preuve de patience à l'égard de Dieu est la chose la plus déchirante.

  12. Le devoir de l'action de grâces (chukr) est la reconnaissance des bienfaits par le cœur en même temps que par la langue.

  13. La remise confiance (tawakkul), c'est que le cœur s'appuie sur Dieu.

  14. La remise confiante était autrefois une réalité, c'est aujourd'hui une connaissance théorique.

  15. Il y a trois sortes de nourritures : la nourriture des aliments, et elle fait que l'on se détourne de Dieu ; la nourriture de l'invocation (dhikr), et elle fait humer le parfum des Attributs divins ; et la nourriture de la contemplation de l'Invoqué, et celle-là fait disparaître et périr.

  16. L'acceptation (rida), c'est le deuxième degré de la connaissance (ma'rifa) ; chez celui qui accepte, la connaissance de Dieu est véritablement réalisée, par le fait qu'il agrée constamment ce qui vient de Lui.

  17. L'acceptation implique que la science qui parvient jusqu'au cœur est véritable; dès que le cœur entre en contact avec la réalité, elle le conduit à l'acceptation.

  18. Vous m'interrogez sur la vie agréable et sur la joie ; eh bien, elles sont pour celui qui accepte ce qui vient de Dieu. L'un de ceux qui savaient s'est écrié : « Quelle belle vie que celle de ceux qui acceptent tout de Dieu ! » Accepter, c'est accueillir l'épreuve qui arrive avec endurance et bonne humeur, et c'est attendre ce qui ne s'est pas encore produit en y pendant et en le prenant en considération. Aux yeux d'un tel homme, son Seigneur agit de la meilleure façon possible, sa miséricorde envers lui est la plus grande possible, et Il sait mieux que lui-même ce qui lui convient le mieux. Quand le destin se manifeste alors, il n'éprouve pour lui aucune aversion, mais bien au contraire c'est ce qu'il veut, et il approuve cette action de son Seigneur. Quand il estime que ce qui lui arrive est un bienfait de Dieu, il est satisfait. L'acceptation, c'est donc vouloir et approuver, c'est-à-dire vouloir ce qui est Son œuvre, en l'aimant et l'agréant de tout son cœur, puisque cela vient de Dieu.

  19. « Les hommes des relation familières avec Dieu » (ahl al-uns), quand ils sont seuls et qu'ils parlent et s'entretiennent intimement avec Lui (munajat), disent certaines choses qui les feraient traiter d'hérétiques par le commun des croyants s'ils les entendaient.

  20. Dieu est proche du cœur de Ses serviteur dans la mesure où Il voit que leur cœur est proche de Lui ; considère donc qu'est-ce qui rend ton cœur proche de Lui !

  21. Sa proximité dans l'extase (wajd, qui peut prendre le sens du wujud = réalisation spirituelle) est « réunion » (jam'), et Son absence (ghayba) dans la condition humaine est « séparation » (tafriqa).

  22. Dieu prive de l'amour (mahabba) celui qui garde une attache.

  23. L'Amour, c'est la pénétration des Attributs de l'Aimé, par permutation avec les attributs de l'amant.

  24. « La question de l'amour fut posée dans une assemble de cheikhs à la Mecque, réunis au moment du Pèlerinage. Ils interrogèrent Junayd, qui était le plus jeune d'entre eux : « A ton tour, qu'en penses-tu, toi, l’Irakien ? » Junayd baissa la tête, et des larmes coulèrent de ses yeux, puis il parla : « L'amour, c'est quand un serviteur s'est quitté lui-même, qu'il invoque constamment son Seigneur, qu'il accomplit tout ce qui Lui est dû, qu'il regarde vers Lui avec son cœur, et que celui-ci est consumé par les lumières de Son Être (huwiyya), qu'il boit l'eau limpide de Son affection, et que Celui qui impose Sa Volonté a enlevé pour lui les voiles qui recouvrent Ses mystères. Si alors il parle, c'est par Dieu ; s'il s'exprime, c'est au sujet de Dieu ; s'il fait un geste, c'est sur l'ordre de Dieu ; s'il reste au repos, c'est avec Dieu. Il est par Dieu, pour Dieu, avec Dieu. » Les cheikhs alors à pleurer, et avouèrent : « Que dirions-nous de plus ? que Dieu soit ton réconfort, ô toi qui es « la Couronne des Sage » (taj al-arifun) ! »

  25. Sache que lorsque la connaissance de Dieu (ma'rifa) a pris de l'ampleur en toi, que ton coeur en est rempli, que ton âme s'épanouit, tout entière consacrée à Lui, que le fond de ton être est purifié par son invocation, et que ton esprit s'est joint à Lui, tes « traces » (athar) disparaissent, tes attributs individuels (rusum) sont effacés, et tes connaissances sont éclairées par Dieu. C'est alors que se manifeste à toi la « science » de l’Être divin (ilm al-Haqq).

  26. Tu ne seras pas réellement un serviteur, tant que quelque chose d'autre que Lui t'asservira ; et tu ne parviendras pas à la liberté totalement pure, tant qu'il te restera la moindre chose à réaliser de ta servitude envers Lui. Quand tu seras le serviteur de Lui seul, tu seras livre de tout ce qui n'est pas Lui.

  27. La dernière station du sage est la liberté.

 

 

 

Règles de convenance / adab

Maîtres et disciples / suhba

 

  1. Durant plusieurs années, j'assistais à des réunions de la communauté spirituelle, où l'on discutait de « sciences » que je ne comprenais pas et dont j'ignorais tout, mais je n'ai jamais été atteint par le moindre doute ; je les acceptais et je les aimais, sans y rien comprendre.

  2. Un cheikh ayant demandé à Junayd : « Qu'ont dont les novices à courir après les histoires édifiantes ? », il fournit la réponse suivante : « Les histoires édifiantes sont des soldats de l'armée de Dieu, qui fortifient le cœur des novices . » « Y a-t-il un argument scripturaire qui témoigne de cela ? » insista le cheikh. « Oui, répondit Junayd, c'est la parole de Dieu : « Et tous les récits que Nous te contons sur les Envoyés sont (destinées) à affermir ton cœur (Coran, 11, 120).

  3. Quand tu constantes qu'un novice recherche les séances de « sama » (« audition spirituelle »), sache bien qu'il y a en lui un reste de frivolité.

  4. Il y avait un disciple de Junayd qui, chaque fois qu'il entendait la moindre invocation, se mettait à crier. Junayd l'avertit : « Si tu fais cela encore une fois, tu ne seras plus mon disciple. » Dès lors, quand il entendait quelque chose, sa personne changeait, mais il se maîtrisait, au point que des gouttes de transpiration tombaient de chaque poil de son corps, jusqu'au jour où il poussa un seul cri, qui emporta son âme.

  5. Au commencement de sa spirituelle, Junayd s'agitait au cours des séances de « sama », et par la suite cette agitation cessa. On lui en demanda la raison, et il répondit en citant ce verset du Coran (27,88) «  (L Jour) où tu verras les montagnes que tu crois immobiles passer comme le font les nuages, œuvre de Dieu qui fait parfaitement toute chose » (Ghazali précise que « Junayd indiquait par là que le coeur est ému, et qu'il évolue dans le Royaume céleste, mais que les membres, une fois qu'ils sont disciplinés, donnent l'apparence extérieure du calme »).

  6. Un jour où Junayd était chez lui avec son épouse, Chibli entra. Son épouse voulut alors se revoiler, mais Junayd lui dit : « Il ne se rend pas compte de ta présence, reste comme tu es. » Junayd parla un moment avec Chibli, et celui-ci se mit à pleurer. Junayd dit alors à son épouse : « Voile-toi maintenant, car Chibli vient de sortir de son état d' « absence » (ou « inconscience »).

  7. À quelqu'un qui avait vu Nuri tendre la main et mendier, et qui avait été choqué de ce spectacle, Junayd déclara : « Ne t'en scandalise pas, car Nuri ne demande l'aumône aux hommes que pour que sa mendicité soit un don pour eux dans la vie future ! Il ne fait ce que pour qu'ils en soient récompensés et rémunérés. »

  8. Quand deux disciples sont devenus frères en Dieu, et qu'ensuite l'un des deux se montre distant à l'égard de l'autre et rougit de son compagnon, c'est qu'il y a une défaillance spirituelle soit en l'un soit en l'autre.

 

Junayd, Enseignement spirituel.

Traités, lettres, oraisons et sentences

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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 14:39

 

  1. La quête du savoir est une ordonnance obligatoire pour tout musulman.

  2. Dieu, protège-moi d'un savoir qui ne soit pas utile.

  3. Lorsque Dieu veut du bien à une personne, Il fait en sorte qu'elle apprenne le fikh de la religion et Il lui inspire sa raison.

  4. Les hommes de savoir sont les héritiers des prophètes.

  5. Le sagesse rajoute de l'honneur à l'honorable et hausse l'esclave jusqu'à ce qu'il atteigne le rang des rois.

  6. Le meilleur des êtres humains est le croyant, homme de savoir qui, lorsqu'on en a besoin se rend utile et quand on en a pas besoin se suffit à lui-même.

  7. La foi est nue, son habit est la piété, son apparat est la pudeur et son fruit est le savoir.

  8. L'homme de savoir est le dépositaire sur terre de Dieu Très-Haut.

  9. Il y a deux catégories d'hommes dans ma nation qui, lorsqu'ils sont bons, les gens sont bons aussi et lorsqu'ils sont corrompus, les gens le sont : ce sont les gouverneurs et les Fékhis.

  10. Une branche de savoir vaut mieux que la vie et ce qu'elle contient.

  11. Le savoir est la salle des coffres dont les clés sont les questions ; posez donc vos questions et sachez que quatre acteurs en seront récompensés : celui qui pose la question, celui qui sait, celui qui les écoute et celui qui les aime.

  12. L'ignorant ne doit pas taire son ignorance et l'homme de savoir ne doit pas taire son savoir.

  13. Jamais musulman n'aura été plus utile à son frère que lorsqu'il enseigne une bonne parole qu'on lui a enseigné.

  14. Lorsqu'il l'être humain meurt, ses actions s'arrêtent, sauf trois d'entre elles : un savoir utile aux autres, une charité qu'il a instaurée durant sa vie et qui continue après sa mort, et un fils pieux qui prie pour lui.

  15. Celui qui indique le bien est du même rang que celui qui le fait.

  16. Un homme n'est pas considéré pieux avant qu'il ne délaisse ce qui ne nuit pas, par crainte de ce qui nuit.

  17. Consulte ton propre cœur, quand bien même les gens t'émettraient des fatwas et t'en émettraient encore.

  18. Il y a parmi les savoirs, une branche plutôt enfouie, perçue uniquement par les connaisseurs de Dieu Très-Haut ; lorsque ces derniers l'expriment, seuls les aveugles de Dieu Très-Haut la méconnaissent. Ne dédaignez donc pas le savant auquel Dieu Très-Haut a imparti cette connaissance ; Dieu Très-Haut a imparti cette ; Dieu Très-Haut ne l'a point dédaigné en la lui donnant.

  19. Une parole de sagesse apprise par quelqu'un vaut mieux que ce bas monde et ce qu'il contient.

  20. Les gens ne s'égarent après avoir été sur la bonne voie que lorsque la polémique s'installe auprès d'eux.

  21. Le croyant n'est pas rancunier.

  22. Quand les gens apprennent le savoir et délaissent l'action, et qu'ils manifestent l'amour par leurs paroles et se haïssent au fond d'eux-m^mes, et qu'ils coupent leurs liens avec leur familles, alors Dieu les maudit, Il leur fait perdre l'ouïe et la vue.

  23. Nul n'est savant avant qu'il ne mette en pratique son savoir.

  24. Les savants sont les hommes de confiance des Messagers de Dieu Très-Haut auprès de Ses créatures tant qu'ils ne fréquentent pas les gouverneurs. S'ils le font, ils auront trahi les Messagers de Dieu, alors méfiez-vous d'eux, et quittez-les !

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29 août 2011 1 29 /08 /août /2011 16:32

Dieu

Appendice, X

 

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Donc vous ne voyez rien hors de la forme humaine !

L'homme est pour l'homme un type universel, donnant

Sa face et son profil même au ciel rayonnant ;

Les astres, les soleils sont tous des visages,

Des fronts, moins lumineux que les fronts de vos sages ;

Des vaguement dans l'éther radieux

S'ouvrent ; et la nuit triste a des millions d'yeux ;

L'aube a des cils de feu ; la planète hagarde

Est un crâne effrayant dont l’œil fixe regarde ;

Quand la lune apparaît, hommes, vous croyez voir

Votre face sortir, blême, du gouffre noir ;

Les sphères qui du soir couvrent les plaines brunes

Sont les masques humains qui roulent; quelques-unes,

Les comètes, qu'on suit des en pâlissant,

Ont encor leur traînée effroyable de sang ;

Tout l'azur n'est qu'un tas de figures funèbres

Grimaçant la lumière au milieu des ténèbres.

O spectacle hideux ! mais où sont donc les corps ?

Les monde, mutilé, rappellerait alors

On ne sait quel forfait dont l'homme est le complice ;

L'abîme semblerait le reste d'un supplice ;

Et le ciel, où l'aurore en pourpre affreuse luit,

Plein de tête grinçant à jamais dans la nuit,

Ne serait qu'un panier de guillotine énorme !

 

Morne esprit englouti dans le rêve difforme,

Âme dont le vertige égare les essors,

Émerge hors du flot des spectres, monte, sors,

Sors de la vision où, tremblant, tu te traînes !

Rentre aux réalités augustes et sereines

Et sache concevoir autre chose que toi,

Et que ta propre haine et que ton propre effroi !

 

*

 

Nulle image venant de l'homme est de la terre

Ne s'applique à l'abîme et ne peint le mystère.

Non, l'infini n'est pas un cercle d'avatars

Te renvoyant du fond des cieux des traits bâtards,

Ayant ton vil total pour limite et pour somme,

Subissant l'unité ténébreuse de l'homme.

Voir ta face au nadir, la revoir au zénith

Quel songe ! ta figure à ton monde finit.

Retiens ceci : multiple, étrange, impénétrable,

L'univers sombre est hors de l'homme misérable.

 

Sache que le principe inconnu, quel qu'il soit,

Ce qui donne toujours et jamais ne reçoit,

Ce que tu nommes Dieu, l'origine, la cause,

Ne recommence pas deux fois la même chose ;

L'être incommensurable à qui tout est soumis

N'a pas plus de fatigue aux soleils qu'aux fourmis.

Et ne dépense pas plus de puissance à faire

Aldébaran au ciel qu'un ver luisant sur terre ;

Le grand souffle d'en haut fait indifféremment

Eclore, pour glisser sur le marais dormant,

Ou pour tourbillonner autour des bleus pilastres,

Un vol de moucherons ou bien un essaim d'astres.

 

Les sphères sont dans l'être absolu fragments

Si divers de la vie et de purs éléments

Qu'il semble que le monde ait pour seul but d'extraire

De tout l'antagonisme et des cieux leur contraire,

La nuit !

 

Tout est splendide et trouble. A tout moment

L'insondable infini s'affirme et se dément ;

il se cache toujours, même quand il se montre ;

Le flambeau fume et l'ombre en sort ; de la rencontre

De deux formes et de l'ombre il naît une clarté ;

Tout est le monstre et tout est la divinité.

 

Homme, en se condensant dans les brumes profondes,

Les vagues tourbillons d'atomes dont des mondes ;

Les mondes à leur tout dans le ciel se défont

Ainsi qu'une lueur s'efface à ton plafond,

Et retombent du haut des prodigieux dômes

Dans le vent de l'abîme en poussière d'atomes.

 

Tout prend feu, tout s'allume... (lacune)

 

Oh ! des flamboiement d'aube et de fécondité

Se croisent en tous sens dans la forêt de l'être !

Et qui donc, quel voyant, quel prophète, quel prêtre

Pourrait se figurer, dans tout ce qui bruit,

Apparaît, disparaît, vient, passe, éclate, fuit,

Et dans ce qui pétille et dans ce qui ruisselle,

Ce vaste embrasement de vie universelle !

Chaque astre brille à part, tremble, et fait tournoyer

Son grain de cendre rouge autour du grand foyer ;

Chacun est l'étincelle ; aucun n'est l'incendie.

 

L'ensemble se dérobe à l’œil qui l'étudie.

Toi, l'homme, règne en bas ; la terre est à tes yeux ;

Abdique du côté du ciel mystérieux ;

La chair rampe et te tient ; ne crois pas que tu puisses

Aller battre de l'aile en ces noirs précipices.

L'homme, rayon lui-même et miracle, si Dieu

Lui laissait voir la vie et le profond ciel bleu,

Éperdu ne pourrait supporter le spectacle

De toute la lumière et de tout le miracle.

 

Chaque globe a son jour dont il a le secret,

Son soleil dont il vit, dont un autre mourait.

Selon la quantité d'ombre qui les mélange,

Ils penchent vers la brute ou se dressent vers l'ange ;

Ils sont enfers ou ciels, saturnes ou soleils.

C'est par le seul regard de Dieu qu'ils sont pareil.

 

Contente-toi du jour que ton œil voit éclore.

Oh ! ne va pas chercher l'effroi d'une autre aurore,

Qui te semblerait hors du possible des cieux,

Et qui te paraîtrait un rayon factieux,

Une punition, une hydre, une colère,

Quoique paisible et douce aux être qu'elle éclaire !

 

Oh ! tout est merveilleux. Mais, dans l'immensité,

Malheur à qui poursuit la terrible beauté !

Insensé qui s'en va, fût-il Dante ou Virgile,

Tâchant de regarder avec des yeux d'argile

La sinistre splendeur du prodige infini !

L'effrayant ciel où luit l'astre jamais terni

Se refuse et se ferme aux songeurs par clémence.

Ah ! malheur sur ta tête, et terreur et démence

Su toi, frêle penseur, le jour où tu romprais

Ton ban jusqu'à scruter d'autre sphères de près !

Toi-même tu l'as dit, rien qu'en voyant sans voile

Dans sa réalité formidable, une étoile,

L'homme se dissoudrait, frissonnant, ébloui,

Hagard, car chaque monde est un gouffre inouï.

 

Non, tu ne peux rêver, quelque effort que tu fasses,

Ces sphères dont l'azur peint les vagues surfaces

Et dont l'éloignement est le sombre doreur.

Tout être, pris à part, est pour l'autre l'horreur.

Un mystère devant l'autre mystère tremble.

 

Quant au lien qui joint tous les mondes ensemble,

Qui mêle l'être à l'être, et fait de toutes parts

Une harmonie avec tous ces monstres épars,

Quant à l'accord profond, loi suprême et bénie,

Qui fait que tout se tient dans la sphère infinie,

A travers les espaces et les éternité,

il est ; mais il échappe aux êtres limités

Dont la foule au hasard naît et meurt, sort et rentre ;

Pour voir tous les rayons il faut être le centre ;

Dieu seul voit l'unité de la création.

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