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14 mai 2018 1 14 /05 /mai /2018 07:24

- Comment puis-je arriver à Dieu ?

- Prends conscience de l’œuvre du diable (« qui divise », « qui désunit ») dont l'effet ultime est la Dualité illusoire ; puis redresse-toi, droit comme un I afin d'être réceptif à la transcendance immanente. Ainsi, Dieu aidant, l'Esprit prendra le dessus, en état d'équilibre et tu trouveras l'Unité : Dieu.

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14 mai 2018 1 14 /05 /mai /2018 07:06

Le Livre sacré a de nombreux noms, explicites ou implicites, dont chacun pourrait donner lieu à un examen minutieux et utile aux croyants. Ce travail a été peut-être fait, si ce le cas et qu'il nous est accessible, son étude serait des plus profitables. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas ici d'examiner, même de manière superficielle, les noms principaux du Saint Livre, mais de formuler quelques concises remarques à propos de certains d'entre eux.

Coran, c'est le premier nom, le plus connu et le plus employé pour désigner le Livre. Cependant, son sens n'est guère explicite. Si l'on creuse le mot, l'on apprend que sa racine arabe (قرأ ) veut dire « lire », « réciter », « transmettre », « réunir », « amener », « enseigner », « approcher » entre autres (Le Kazimirski). Le première définition doit être écartée, pour deux raisons : premièrement, la « lecture » suppose la présence d'un support qui porte l'écrit et, deuxièmement, la personne à laquelle se présente le support doit savoir lire. Or le Messager sws ne savait lire et il n'y avait nul support porteur de l'écrit lorsque l'ange Gabriel se présenta dans la grotte sacrée pour lui demander de « réciter » (« Récite au nom de ton Seigneur... »). La racine du mot, en l'occurrence, ne peut donc avoir le sens de « lire ».

Qu'en est-il de la deuxième signification, « réciter » ? Là encore, il y a une difficulté qui émerge. En effet, l'ange Gabriel dit à Mohammad sws : « Récite au nom de ton Seigneur... » et, finalement, le Prophète répète : « Récite au nom de ton Seigneur... ». Si l'on est attentif ici, l'on remarque quelque chose qu'il conviendrait peut-être de ne pas dire à voix haute... Murmurons-le toutefois : en vérité, le Coran ne s'adresse pas à Mohammad sws, puisqu'il l'incarne lui-même selon un hadith, mais à l'humanité. (La Révélation comprend un mystère qui a été plus ou moins explicitement expliqué par certains maîtres, l'on ne va pas le rappeler ici ; mais il convient de réfléchir à ce « Récite !» et à la raison pour laquelle le Prophète sws d'abord et puis le Coran et tous les musulmans reprennent le « Récite ! ». Qui s'adresse à qui en disant : « Récite ! » ?)

Concernant cette deuxième acception, une autre remarque doit être faite : « réciter » veut dire « dire à voix haute ». Or quand on « dit à voix haute », ce que l'on dit, ce sont soit des propos ordinaires préalablement conçus ou mémorisés, soit une connaissance innée qui se révèle à la conscience à mesure que l'on récite. Le Prophète récita-t-il ce premier verset en l'ayant formulé auparavant dans son for intérieur ? Quel fut le rôle véritable de l'ange Gabriel dans la Révélation ? Pouvait-il savoir et transmettre une connaissance au Messager alors que celui-ci est, dans sa réalité, ce que l'on sait... ? L'on pourrait méditer ces questions, en les mettant en relation avec la Chahada. Il y là bien quelques mystères, mais n'allons pas plus avant.

Si ce n'est pas une « lecture », si ce n'est pas une « récitation » et s'il ne s'adresse, en réalité, même pas au Messager sws, qu'est-ce que le Coran ? Simplement dit, c'est un « enseignement » transmis de l'Esprit à l'Esprit qui vise, fondamentalement, à « réunir » la nature illusoirement fragmentée, dispersée et « coulante » de l'homme pour l' « approcher » et, le cas échéant, l' « amener » à Lui. En d'autres termes, c'est un enseignement dont le but essentiel est d'unifier l'homme et le « réintégrer » à l'Unité ou, peut-on dire encore, c'est une « corde », comme il est dit dans le Coran (3, 103), jetée par Dieu à l'homme pour lui permettre, d'abord, d'arrêter sa « déchéance » inéluctable autrement (cf. Sourate Al-'Asr) et, ensuite, d'entreprendre l'ascension spirituelle.

Un autre nom bien connu du Saint Livre est Fûrqân, « discernement ». Ce « discernement », à un niveau « extérieur », s'applique évidemment au bien et au mal, au vrai et au faux, au pacifère et au pestifère (car, en fin de compte, le « mal » nuit à l'individu qui s'y livre et le « bien » profite à l'individu qui le pratique). Mais à un autre niveau, le Fûrqân permet aussi à l'homme, à mesure qu'il « monte » spirituellement, ou qu'il « se réalise », de voir l'illusion et la réalité ou, autrement dit, de comprendre, au fond, le sens de la Chahada ; ce sens sera compris par tous, qu'on le veuille ou non, le moment venu.

Le « Rappel », (Dhikr) est encore autre nom du Livre. Bien entendu, à un niveau apparent, ce Rappel est celui du Message primordial que les Envoyés, au fil des siècles, ont transmis çà et là aux humanités. Le Coran, tel qu'il fut « révélé » au dernier des Envoyés, se présente explicitement comme un « rappel » et une confirmation intégrale et correctrice des Révélations antérieures. Mais ce « Rappel » s'entend aussi à un autre niveau : le Livre, qui s'adresse à l'humanité, s'adresse aussi et surtout à chaque homme. La question qui se pose est la suivante : Peut-on « rappeler » quelque chose à quelqu'un alors qu'il n'en a jamais rien su ? La réponse à cette question pourrait fournir des indications utiles quant à la nature de l'homme, à sa mission essentielle et à l'épistémologie traditionnelle.

Voici encore un dernier nom du Livre : « Descente » (Tanzîl), que l'on traduit aussi par « révélation ». Ici, sans entrer dans les détails, l'on peut observer que le nom désigne un « processus » (« descente ») et non un « état », ce qui signifie que la « révélation » est en réalité un « mouvement continu » dont l'effet s'exerce à divers degrés sur tous ceux qui adhèrent à la tradition islamique et agissent en conséquence. En d'autres termes, la « descente » du Livre, qui vise la « remontée » de l'homme, s'exerce de manière permanente sur tout croyant conséquent, à la fois « horizontalement » (« révélation exotérique ») et « verticalement » (« révélation ésotérique » ) ; dans tous les cas, les influences divines et sanctificatrices descendent littéralement sur le croyant qui le lit, que celui-ci en soit conscient ou non. En d'autres termes encore, le Coran est un « contenu » sacré qui « descend » sur le réceptacle réceptif (le croyant) pour le purifier et le remonter. Pour prendre une image presque indécente en l'espèce, l'on peut imaginer un homme dans un immeuble, d'une hauteur incommensurable, qui appelle l'ascenseur, celui-ci « descend » et monte l'individu à des étages inconnus...en fin de compte, cette image pourrait résumer le cheminement. Il faut une volonté consciente pour « appeler » et agir en conséquence, s'abandonner à l'ascenseur et...monter. Le début de cette ascension est « l'inconnu », comme on l'a relevé, la fin est l' « Un connu ».

D'autres noms encore livrent des enseignements précieux, certains seront peut-être mentionnés ailleurs. Par exemple, le Livre est appelé aussi « Guérison ». Guérison de l'homme ? Certes, donc l'homme est « malade » (la question de l'«existence »), quelle serait la finalité de cette Guérison et comment opère-t-elle sur l'homme ? L'on peut y méditer.

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6 mars 2018 2 06 /03 /mars /2018 17:32

À l’appui de ce que nous avons exposé dans le chapitre précédent, nous ajouterons quelques précisions en ce qui concerne l’institution des castes, d’importance primordiale dans la loi de Manu, et si profondément incomprise de la généralité des Européens. Nous poserons tout d’abord cette définition : la caste, que les Hindous désignent indifféremment par l’un ou l’autre des deux mots jâti et varna, est une fonction sociale déterminée par la nature propre de chaque être humain. Le mot varna, dans son sens primitif, signifie « couleur », et certains ont voulu trouver là une preuve ou tout au moins un indice du fait supposé que la distinction des castes aurait été fondée à l’origine sur des différences de race ; mais il n’en est rien, car le même mot a, par extension, le sens de « qualité » en général, d’où son emploi analogique pour désigner la nature particulière d’un être, ce qu’on peut appeler son « essence individuelle », et c’est bien là ce qui détermine la caste, sans que la considération de la race ait à intervenir autrement que comme un des éléments qui peuvent influer sur la constitution de la nature individuelle. Quant au mot jâti, son sens propre est celui de « naissance », et l’on prétend en conclure que la caste est essentiellement héréditaire, ce qui est encore une erreur : si elle est le plus souvent héréditaire en fait, elle ne l’est point strictement en principe, le rôle de l’hérédité dans la formation de la nature individuelle pouvant être prépondérant dans la majorité des cas, mais n’étant pourtant nullement exclusif ; ceci appelle d’ailleurs quelques explications complémentaires.

 

L’être individuel est regardé, dans son ensemble, comme un composé de deux éléments, qui sont appelés respectivement nâma, le nom, et rûpa, la forme ; ces deux éléments sont en somme l’« essence » et la « substance » de l’individualité, ou ce que l’école aristotélicienne appelle « forme » et « matière », ces termes ayant d’ailleurs un sens technique bien différent de leur acception courante ; il faut même remarquer que celui de « forme », au lieu de désigner l’élément que nous nommons ainsi pour traduire le sanskrit rûpa, désigne alors au contraire l’autre élément, celui qui est proprement « l’essence individuelle ». Nous devons ajouter que la distinction que nous venons d’indiquer, bien qu’analogue à celle de l’âme et du corps chez les Occidentaux, est loin de lui être rigoureusement équivalente : la forme n’est pas exclusivement la forme corporelle, encore qu’il ne nous soit pas possible d’insister ici sur ce point ; quant au nom, ce qu’il représente est l’ensemble de toutes les qualités ou attributions caractéristiques de l’être considéré. Il y a lieu ensuite de faire une autre distinction à l’intérieur de « l’essence individuelle » : nâmika, ce qui se rapporte au nom, dans un sens plus restreint, ou ce que doit exprimer le nom particulier de chaque individu, est l’ensemble des qualités qui appartiennent en propre à celui-ci, sans qu’il les tienne d’autre chose que de lui-même ; gotrika, ce qui appartient à la race ou à la famille, est l’ensemble des qualités que l’être tient de son hérédité. On pourrait trouver une représentation analogique de cette seconde distinction dans l’attribution à un individu d’un « prénom », qui lui est spécial, et d’un « nom de famille » ; il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur la signification originelle des noms et sur ce qu’ils devraient être normalement destinés à exprimer, mais, ces considérations ne rentrant pas dans notre dessein actuel, nous nous bornerons à indiquer que la détermination du nom véritable se confond en principe avec celle de la nature individuelle elle-même. La « naissance », au sens du sanskrit jâti, est proprement la résultante des deux éléments nâmika et gotrika : il faut donc y faire la part de l’hérédité, et elle peut être considérable, mais aussi la part de ce par quoi l’individu se distingue de ses parents et des autres membres de sa famille. Il est évident, en effet, qu’il n’y a pas deux êtres qui présentent exactement le même ensemble de qualités, soit physiques, soit psychiques : à côté de ce qui leur est commun, il y a aussi ce qui les différencie ; ceux-là mêmes qui voudraient tout expliquer dans l’individu par l’influence de l’hérédité seraient sans doute fort embarrassés pour appliquer leur théorie à un cas particulier quelconque ; cette influence n’est pas niable, mais il y a d’autres éléments dont il faut tenir compte, comme le fait précisément la théorie que nous venons d’exposer.

 

La nature propre de chaque individu comporte nécessairement, dès l’origine, tout l’ensemble des tendances et des dispositions qui se développeront et se manifesteront au cours de son existence, et qui détermineront notamment, puisque c’est ce dont il s’agit plus spécialement ici, son aptitude à telle ou telle fonction sociale. La connaissance de la nature individuelle doit donc permettre d’assigner à chaque être humain la fonction qui lui convient en raison de cette nature même, ou, en d’autres termes, la place qu’il doit normalement occuper dans l’organisation sociale. On peut concevoir facilement que c’est là le fondement d’une organisation vraiment hiérarchique, c’est-à-dire strictement conforme à la nature des êtres, suivant l’interprétation que nous avons donnée de la notion de dharma ; les erreurs d’application, toujours possibles sans doute, et surtout dans les périodes d’obscuration de la tradition, ne diminuent d’ailleurs en rien la valeur du principe, et l’on peut dire que la négation de celui-ci implique, théoriquement tout au moins, sinon toujours pratiquement, la destruction de toute hiérarchie légitime. On voit en même temps combien est absurde l’attitude des Européens qui s’indignent qu’un homme ne puisse passer de sa caste dans une caste supérieure : cela n’impliquerait, en réalité, ni plus ni moins qu’un changement de nature individuelle, c’est-à-dire que cet homme devrait cesser d’être lui-même pour devenir un autre homme, ce qui est une impossibilité manifeste ; ce qu’un être est potentiellement dès sa naissance, il le sera pendant son existence individuelle tout entière. La question de savoir pourquoi un être est ce qu’il est et n’est pas un autre être est d’ailleurs de celles qui n’ont pas à se poser ; la vérité est que chacun, selon sa nature propre, est un élément nécessaire de l’harmonie totale et universelle. Seulement, il est bien certain que des considérations de ce genre sont complètement étrangères à ceux qui vivent dans des sociétés dont la constitution manque de principe et ne repose sur aucune hiérarchie, comme les sociétés occidentales modernes, où tout homme peut remplir presque indifféremment les fonctions les plus diverses, y compris celles auxquelles il est le moins adapté, et où, de plus, la richesse matérielle tient lieu à peu près exclusivement de toute supériorité effective.

 

De ce que nous avons dit sur la signification du dharma, il résulte que la hiérarchie sociale doit reproduire analogiquement, selon ses conditions propres, la constitution de l’« Homme universel » ; nous entendons par là qu’il y a correspondance entre l’ordre cosmique et l’ordre humain, et que cette correspondance, qui se retrouve naturellement dans l’organisation de l’individu, qu’on l’envisage d’ailleurs dans son intégralité ou même simplement dans sa partie corporelle, doit être également réalisée, sous le mode qui lui convient spécialement, dans l’organisation de la société. La conception du « corps social », avec des organes et des fonctions comparables à ceux d’un être vivant, est d’ailleurs familière aux sociologues modernes ; mais ceux-ci sont allés beaucoup trop loin en ce sens, oubliant que correspondance et analogie ne veulent point dire assimilation et identité, et que la comparaison légitime entre les deux cas doit laisser subsister une diversité nécessaire dans les modalités d’application respectives ; de plus, ignorant les raisons profondes de l’analogie, ils n’ont jamais pu en tirer aucune conclusion valable quant à l’établissement d’une véritable hiérarchie. Ces réserves étant faites, il est évident que les expressions qui pourraient faire croire à une assimilation ne devront être prises que dans un sens purement symbolique, comme le sont aussi les désignations empruntées aux diverses parties de l’individu humain lorsqu’on les applique analogiquement à « l’Homme universel ». Ces remarques suffisent pour permettre de comprendre sans difficulté la description symbolique de l’origine des castes, telle qu’elle se rencontre en de nombreux textes, et tout d’abord dans le Purusha-sûkta du Rig-Vêda : « De Purusha, le Brâhmana fut la bouche, le Kshatriya les bras, le Vaishya les hanches ; le Shûdra naquit sous ses pieds » (1).

 

On trouve ici l’énumération des quatre castes dont la distinction est le fondement de l’ordre social, et qui sont d’ailleurs susceptibles de subdivisions secondaires plus ou moins nombreuses : les Brâhmanas représentent essentiellement l’autorité spirituelle et intellectuelle ; les Kshatriyas, le pouvoir administratif, comportant à la fois les attributions judiciaires et militaires, et dont la fonction royale n’est que le degré le plus élevé ; les Vaishyas, l’ensemble des diverses fonctions économiques au sens le plus étendu de ce mot, comprenant les fonctions agricoles, industrielles, commerciales et financières ; quant aux Shûdras, ils accomplissent tous les travaux nécessaires pour assurer la subsistance purement matérielle de la collectivité. Il importe d’ajouter que les Brâhmanas ne sont aucunement des « prêtres » au sens occidental et religieux de ce mot : sans doute, leurs fonctions comportent l’accomplissement des rites de différents ordres, parce qu’ils doivent posséder les connaissances nécessaires pour donner à ces rites toute leur efficacité ; mais elles comportent aussi, et avant tout, la conservation et la transmission régulière de la doctrine traditionnelle ; d’ailleurs, chez la plupart des peuples antiques, la fonction d’enseignement, que figure la bouche dans le symbolisme précédent, était également regardée comme la fonction sacerdotale par excellence, par là même que la civilisation tout entière reposait sur un principe doctrinal. Pour la même raison, les déviations de la doctrine apparaissent généralement comme liées à une subversion de la hiérarchie sociale, comme on pourrait le voir notamment dans le cas des tentatives faites à diverses reprises par les Kshatriyas pour rejeter la suprématie des Brâhmanas, suprématie dont la raison d’être apparaît nettement par tout ce que nous avons dit sur la vraie nature de la civilisation hindoue. D’autre part, pour compléter les considérations que nous venons d’exposer sommairement, il y aurait lieu de signaler les traces que ces conceptions traditionnelles et primordiales avaient pu laisser dans les institutions anciennes de l’Europe, notamment en ce qui concerne l’investiture du « droit divin » conférée aux rois, dont le rôle était regardé à l’origine, ainsi que l’indique la racine même du mot rex, comme essentiellement régulateur de l’ordre social, mais nous ne pouvons que noter ces choses en passant, sans y insister autant qu’il conviendrait peut-être pour en faire ressortir tout l’intérêt.

 

La participation à la tradition n’est pleinement effective que pour les membres des trois premières castes ; c’est ce qu’expriment les diverses désignations qui leur sont exclusivement réservées, comme celle d’ârya, que nous avons déjà mentionnée, et de dwija ou « deux fois né » ; la conception de la « seconde naissance », entendue dans un sens purement spirituel, est d’ailleurs de celles qui sont communes à toutes les doctrines traditionnelles, et le Christianisme lui-même en présente, dans le rite du baptême, l’équivalent en mode religieux. Pour les Shûdras, leur participation est surtout indirecte et comme virtuelle, car elle ne résulte généralement que de leurs rapports avec les castes supérieures ; du reste, pour reprendre l’analogie du « corps social », leur rôle ne constitue pas proprement une fonction vitale, mais une activité mécanique en quelque sorte, et c’est pourquoi ils sont représentés comme naissant, non pas d’une partie du corps de Purusha ou de l’« Homme universel », mais de la terre qui est sous ses pieds, et qui est l’élément dans lequel s’élabore la nourriture corporelle. Il existe cependant une autre version suivant laquelle le Shûdra est né des pieds mêmes du Purusha (2) ; mais la contradiction n’est qu’apparente, et il s’agit seulement là en somme de deux points de vue différents, dont le premier fait surtout ressortir la différence importante qui existe entre les trois premières castes et les Shûdras, tandis que le second se rapporte au fait que, malgré cette différence, les Shûdras participent cependant aussi à la tradition. À propos de cette même représentation, nous devons encore faire remarquer que la distinction des castes est parfois appliquée, par transposition analogique, non seulement à l’ensemble des êtres humains, mais à celui de tous les êtres animés et inanimés que comprend la nature entière, de même qu’il est dit que ces êtres naquirent tous de Purusha : c’est ainsi que le Brâhmana est regardé comme le type des êtres immuables, c’est-à-dire supérieurs au changement, et le Kshatriya comme celui des êtres mobiles ou soumis au changement, parce que leurs fonctions se rapportent respectivement à l’ordre de la contemplation et à celui de l’action. Cela fait voir assez quelles sont les questions de principe impliquées en tout ceci, et dont la portée dépasse de beaucoup les limites du domaine social, auquel leur application a été envisagée plus particulièrement ici ; ayant ainsi montré ce qu’est cette application dans l’organisation traditionnelle de la civilisation hindoue, nous ne nous arrêterons pas davantage sur l’étude des institutions sociales, qui ne fait pas l’objet principal du présent exposé.

 

(1) Rig-Vêda, X, 90.

(2) Mânava-Dharma-Shâstra (Loi de Manu), Ier adhayâya, shloka 31 ; Vishnu-Purâna (1,6).

 

René Guénon,

Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues

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18 octobre 2017 3 18 /10 /octobre /2017 16:06

L'argile, c'est une sorte de terre aux propriétés multiples et servant, entre autres, de matériau de construction. Dans de nombreux pays, de nos jours encore, l'on construit les maisons avec ce matériau avantageux, elle a une utilité indéniable en l'occurrence. Par ailleurs, dans un autre sens, il est dit que l'homme, corporellement, est fait d'argile ; or le corps est aussi une « maison » qu'occupent de manière permanente l'âme et de façon ponctuelle l'esprit, pour simplifier les choses. Dans les deux cas, l'argile est un outil qui nous permet de faire un certain nombre de choses tant que l'on en tire activement profit. En effet, une maison négligée devient bientôt chancelante et risque à tout moment de s'écrouler et d'enterrer ses occupants et une maison abandonnée tombe peu à peu en ruine et perd sa fonction essentielle, pour les hommes du moins. De la même manière, un corps négligé ou inactif dépérit progressivement et se noie finalement dans les souffrances causées par l'incurie de son occupant.

 

Ainsi, dans les deux acceptions, l'argile n'est utile que dans la mesure où l'on en fait quelque chose, où l'on s'en sert pour atteindre tel but ; elle n'est utile, autrement dit, que quand elle est « en mouvement » dans la réalisation de tel objectif et dans le maintient dudit objectif lorsque celui-ci est atteint. Dans tout autre cas, elle est matière morte, c'est-à-dire énergie purement potentielle. Mais il faut noter que dans le mot, dans la sonorité du mot pour être plus précis, l'on observe une certaine « gravité » (arg-), une certaine « lourdeur » ou « épaisseur » qui doivent susciter de la prudence. En d'autres termes, cette énergie potentielle peut « engloutir » ou « tirer vers le bas » l'imprudent qui en userait avec insouciance ou indécence (tout comme une maison mal construite ou négligée peut enterrer les occupants et qu'un corps négligé peut entraîner la mort de son hôte). Elle ne devient « fluidité » et « douceur » (-ile) que pour l'homme averti, celui qui la « met en mouvement » dans le sens indiqué plus haut.

 

Il en va de même pour l'argent. C'est une aussi énergie et, comme toute énergie, elle est « providentiellement » disponible à qui sait s'en servir. L'on remarque là encore que les lettres initiales comprennent les mêmes « gravité », « épaisseur » ou « lourdeur » que celle du mot « argile » ; la différence finale (-ile et -ent) indique que dans le premier cas, l'énergie est faite pour être utilisée « horizontalement » et que dans le second cas, elle doit être employée « verticalement » (le son « monte » dans la seconde syllabe du mot « argent »). Pour le dire autrement, l'argile sert à l'action matérielle (comme le corps, la construction etc.), l'argent sert à l'action spirituelle à travers la pratique du Bien.

 

Ce qui a été dit à propos de l'argile s'applique à l'argent aussi : celui-ci n'est véritablement utile que si on le « met en mouvement », que s'il devient « énergie liquide » circulant librement, roulant sans entrave. Dès qu'il est bloqué, il devient lourdeur, il se transforme en poids et attente plus ou moins fortement à la santé de celui qui le bloque ou qui cherche à le bloquer. (Le capitalisme est condamné essentiellement à la ruine...) C'est précisément pour cette raison que, dans les mondes traditionnels et sains par définition, la thésaurisation, la cupidité, le désir d'amasser des richesses sont fortement réprouvés, voire interdits. Et c'est aussi cela qui explique le malheur profond de beaucoup de gens qui roulent pourtant sur l'or, au sens presque littéral (des gens immensément riches avouent de plus en plus leur « mal-être », certains se donnent la mort et beaucoup tentent de masquer leur déplorable état par mille distractions illusoires et destructrices : pratique effrénée, sauvage et même criminelle de la sexualité, consommation de drogue, alcoolisme etc.).

 

Si l'argile « mise en mouvement » devient « corps », l'argent mis en mouvement, l'argent devenu « liquide » roulant librement ou « glissant en tournant » devient or. L'argent devient une énergie nécessaire à la vie qui est elle-même mouvement : eau (O) en rotation (R) ou en roulement et, dès lors, il est inépuisable, tout comme l'or est « inépuisable » dans le sens où il est « impérissable ». Voilà comment l'on transforme l'argent en or... Il faut s'en servir pour pratiquer le bien, envers soi-même et les autres, et le laisser circuler.

 

Pour subsister toujours au moyen de cet or, 
Prenons ce qu'il nous faut et passons le trésor.

 

Une remarque encore : lorsque l'« argent » devient ainsi « or », il se trouve ennobli et, pour ainsi dire, sacré. L'or est précieux, c'est-à-dire « près des cieux ». Du reste, quand l'argent devient or, le corps devient cœur, cœur ouvert, pour donner.

 

Ces vers de Victor Hugo me traversent l'esprit, l'on peut y méditer :

« Car avoir c'est devoir ; car celui qui dissipe
Ou thésaurise, fait une plaie au principe ; 
Car, ayant tout, il a commis, entends-tu bien, 
L'affreux crime d'avoir volé ceux qui n'ont rien. »

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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 17:14

Les mots qui vont suivre pourront paraître ridicules, mais cela importe peu.

 

Le proverbe questionné ici a diverses interprétations plus ou moins pertinentes et plus ou moins profondes, cependant, aucune ne satisfait un esprit radical (qui va « aux racines » des choses).

 

Que veut-il dire au fond ? L'explication, en vérité, est si simple qu'elle semble puérile : Contrairement à ce que pensent actuellement beaucoup de gens, la pierre est un être vivant, douée d'une certaine conscience et existant dans une modalité différente de celle des plantes, des animaux et des hommes*. (Si l'on a cette donnée à l'esprit, on peut comprendre certains récits mythologiques et phénomènes fabuleux ou légendaires.) Oui, la pierre est un être vivant, pourvu d'une conscience, d'une « énergie », d'un langage et, comme tout être vivant, elle se nourrit, croît, décroît et meurt. Bien entendu, la vie de la pierre s'inscrit dans une temporalité qui dépasse les possibilités d'observation pour leur regard humain. Mais de quoi se nourrit-elle ? de minéraux, de cadavres de créatures microscopiques et de végétaux... L'explication du proverbe devient dès lors plus évidente. La « mousse » représente ici, rigoureusement parlant, la viande (« ce qui maintient en vie ») de la pierre, sa nourriture, donc la chose la plus importante qui soit pour elle. « Pierre qui roule n'amasse pas mousse » signifie qu'une pierre en mouvement permanent passe à côté de ce qui lui est essentiel.

 

Appliqué à l'homme, le proverbe veut dire simplement que celui qui vit dans l'agitation permanente, dans le mouvement incessant, dans le « roulement » comme la pierre « qui roule » passe à côté de l'aliment qui lui est essentiel ; cet aliment-là, bien évidemment, ne désigne pas la nourriture matérielle. En d'autres termes, si l'on est désireux de l'essentiel, il faut impérativement apprendre à trouver des moments d'immobilité et de silence, ce sont les deux piliers fondamentaux de la vie intellectuelle ou spirituelle.

 

Cela étant, on peut observer l'agitation permanente, la course effrénée des gens, l'absence, chez la plupart des hommes de notre temps, de l'immobilité et du silence et on comprendra sans peine l'une des causes apparentes du chaos universel. Celui-ci se répand, entre autres, précisément parce que les hommes passent de plus en plus à côté de l'essentiel, lequel ne se trouve pas dans le « roulement » permanent. L'on n'amasse plus vraiment de la « mousse » parce que l'on est trop souvent dans cette agitation physique ou psychique. Il semblerait même que certaines gens paient pour s'agiter, dans de curieux lieux que l'on nomme, apparemment, "salle de sport", "discothèque", entre autres, ou pour regarder d'autres dans l'agitation. Chose curieuse !

 

L'aliment de l'esprit ne vient du mouvement ;

Si tu veux recevoir la noble connaissance,

Sois tranquille et muet, semblable à un diamant,

Car l'agitation est mère de démence.

 

* Un maître gronda, rapporte-t-on, un jeune qui avait donné un coup de pied à un caillou pour le dégager du chemin, parce qu'il lui avait manqué de respect.

 

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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 11:47

Quelques extraits

« Les hommes, ô ami, sont comme « ivres mais ne sont pas ivres ». Ils mangent les fruits mais ne voient pas l'arbre. Leur cœur est plus vaste que le ciel et la terre mais leur âme est transie de peur. Leur raison ne peut voir que la face extérieure du monde mais c'est pourtant à elle qu'ils délèguent leur pouvoir. Lorsque tous les bateaux chavirent et que du fond des entrailles de l'océan monte vers le ciel la détresse de voix, ô ami, tous les cris t'habitent.

Ne les laisse point couvrir par les bavardages de la terre. Ne laisse point le bruit des mots couvrir les réalités de ton cœur. La vérité n'est pas celle qu'articule ta bouche. Si tu veux la connaître, écoute-la venir vers toi, par vagues, du fond de ton être. Car c'est de cette nécessité intérieure que naît la vision. »

 

« La Réalité, ô ami, se voile à toi, non par son éloignement mais par sa proximité.

 

Il s'est voilé par l'excès de Sa manifestation

Et échappe aux regards par l'intensité de Sa lumière. (Hikam) »

 

« Nous sommes dans la voie de l'amour bien vils

Si nous cherchons à prouver notre Aimé. (Harrâq).

 

« Tu te tournes vers les créatures

Tant que tu ne vois pas Le Créateur,

Mais si tu Le vois, ce sont les créatures

Qui se tournent vers toi. » (Hikam)

 

« Histoire : Un disciple vint trouver un sage et lui dit : « Maître, apprends-moi. » « Éternue ! » lui répondit le maître. « Je ne sais ce que vous voulez dire, dit le disciple, mais ce que je sais, c'est que je n'ai pas envie en ce moment d'éternuer. » « Tel est mon état, reprit le maître, il ne me vient pas en ce moment de vous apprendre quoi que ce soit. »

 

« Si c'est la Vérité que tu cherches, ô ami, c'est à sa source que les montures de ton désir doivent boire.

De tout ton être suscite l'un de ses regards qui octroient la vie. »

 

« Œil aveuglé, comment pourrais-tu comparer ? Car pour cela il te faudra connaître d'autres joies, d'autres espaces d'exaltation. D'autres ivresses, d'autres désirs et passions.

Sors, ô ami, de ces marécages que tu nommes réalités ; et ne considère plus ton âme avec les yeux de la complaisance. Il n'y a pas de prison plus sûre que celle à laquelle on s'attache ou celle que l'on ne voit plus. »

 

 

« C'est à ton coeur, ô ami, de choisir alors les nourritures qui peuvent lui être bénéfiques et celles qui peuvent l'empoisonner. C'est par un goût intérieur qu'il saura reconnaître les saveurs et les parfums qui lui viennent de la maison de l'Aimé. Pour s'en rapprocher, ô ami, il faut à la fois dépasser les souffrances des ténèbres et les tentations du paradis.

 

Les lumières font parfois obstacle aux cœurs de la même manière que les âmes sont voilées par les altérités. (Hikam)

 

Souviens-toi de ceci : les hommes de ce monde construisent souvent eux-mêmes leur malheur par leur désir intense de félicité. C'est que dans leur recherche effrénée ils oublient ce simple secret : le bonheur, ô ami, ne se trouve pas dans les choses ou les événements, mais dans le regards que l'on porte sur eux. »

 

« La science utile est celle qui emplit la poitrine de ses rayons de lumière

Et qui délivre le cœur de son voile. (Hikam)

 

« Le polythéisme caché est telle une fourmi noire sur une pierre noire par une nuit noire. » (Hadîth)

 

« Les œuvres sont des formes mortes, seul le secret de la sincérité y insuffle la vie. » (Hikam)

 

« Ne sois pas de ceux qui exigent des miracles. Contente-toi plutôt d’œuvrer, humble serviteur, sans penser au salaire. Ce n'est pas là la servitude de l'homme à l'homme, mais du cœur à la Vérité. Elle est le secret suprême de la liberté. »

 

« C'est par l'offrande des œuvres, ô ami, que tu affines ta sincérité. Ce ne sont pas les œuvres qui mènent à la Vérité, mais ce sont elle qui te disposent à La recevoir. Tu te préoccupes d'obtenir la connaissance et oublies de te préoccuper de ce que la connaissance exige de toi. Cette connaissance, ô ami, ne se conquiert pas, elle se dévoile à ceux dont les cœurs se prosternent.

Mais avant que ton cœur ne vienne à s'incliner, il te faut longtemps marquer ton front de l'empreinte de la terre. Celui qui se tient devant la porte et frappe sans se lasser la verra peut-être un jour s'ouvrir. Cette attente, ô ami, crée en toi un vide salutaire. Ne te précipite pas, laisse le fruit mûrir.

 

Ne désespère pas si le don tarde à venir malgré ton insistance,

Il t'a certes garanti d'être exaucé, mais dans ce qu'Il a choisi pour toi, non dans ce que tu as choisi pour toi-même,

Et au moment où Il veut

Et non en celui que tu aurais voulu. (Hikam) »

 

N'abandonne pas l'invocation

Parce que tu n'y es pas présent à Dieu

Car ta négligence de l'invocation

Est pire que ta négligence en elle.

Peut-être t'élèvera-t-Il d'une invocation faite avec négligence

A une invocation faite avec vigilance

Et d'une invocation faite avec vigilance

A une invocation où tu deviens présent

Et d'une invocation où tu deviens présent

A une invocation où tu deviens absent à tout

ce qui est autre que l'Invoqué. (Hikam)

 

Et cela pour Dieu n'est point difficile. (Cor. XX/14) »

 

« La recherche de tes défauts est préférable pour toi

à celle des choses invisibles qui te sont voilées. (Hikam) »

 

« Celui qui ne se tourne pas vers Dieu par les caresses des bienfaits est conduits vers Lui par les chaînes de l'épreuve. (Hikam) »

 

« Ne communiquez pas la sagesse à ceux auxquels elle n'est pas destinée car vous seriez injuste envers elle, et ne la refusez pas à ceux auxquels elle est destinée, car vous seriez injuste envers eux. » (Hadîth) »

 

« Il n'est exempt d'aucune ignorance

Celui qui veut qu'advienne dans l'instant

Autre chose que ce que Dieu y manifeste. (Hikam) »

 

« Cherche-toi jusqu'à ce que tu te trouves, puis quitte-toi lorsque tu te seras trouvé. (Proverbe soufi) »

 

« L'inconscient, lorsqu'il se réveille, se dit : Que vais-je faire ?

Et le sage : Que va faire Dieu de moi ? (Hikam) »

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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 11:45

« On rapporte qu'un hérisson parcourait les sentiers de la forêt sur les traces des gazelles. Chaque fois qu'il rencontrait un animal en chemin, il s'enquérait auprès de lui si aucune gazelle n'était, à sa connaissance, passée par là.

Un jour, il rencontre un renard qui voulait mettre notre hérisson face à la réalité et lui enlever toute illusion : « Comment peux-tu, cher hérisson, te fatiguer tant à poursuivre des gazelles, n'as-tu pas encore compris que celles-ci sont aussi rapides que le vent et que tu n'as aucune chance de pouvoir en rattraper aucune ! Débarrasse-toi donc de cette obsession et mets ton âme en repos. »

Ce à quoi le hérisson répondit : « Je sais, cher ami, que mon pas est lent et que mes yeux distinguent à peine la lumière, mais sache que j'ai dans la vie qu'une seule prétention : mon seul espoir, vois-tu, est de mourir sur le chemin des gazelles. »


Traces de lumière, Faouzi Skali

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13 octobre 2017 5 13 /10 /octobre /2017 17:41

Cet événement est assurément, au niveau où se place la majorité des mortels, le plus atroce que l'on puisse connaître. La mort est effroyablement douloureuse pour ceux qui n'ont pas cherché à l'apprivoiser par l'étude et la réflexion, mais elle demeure particulièrement pénible même pour ceux qui ont fait cet effort.

 

Pour ma part, je commençai à questionner, à méditer, à apprivoiser la mort vers l'âge de dix ans, parce que je fus blessé presque mortellement pendant la guerre et que je vis, à cette époque, beaucoup de morts. La vie faisant son œuvre, je perdis plus tard plusieurs êtres très chers et chaque disparition était comme un coup de hache reçu en pleine tête. Enfin, tout cela pour dire que la mort reste, pour nous les gens ordinaires, un événement terrible.

 

Mais qu'est-ce que la mort ? Et qu'est-ce qui est douloureux dans la mort ?

 

Quelques brefs rappels à ce propos peuvent être bénéfiques, car personne n'échappe à la mort.

 

Il convient tout d'abord d'avoir toujours ceci à l'esprit : ON NE MEURT QUE POUR LES AUTRES. Cela a pour conséquence immédiate et paradoxale qu'en vérité, l'on ne « meurt » jamais, puisque l'on ne « meurt » QUE pour les vivants. (Le verbe mourir ne peut jamais, au sens propre, se conjuguer au passé à la première personne...) Cependant, il se passe bien « quelque chose » lorsqu'on meurt pour les autres. Que se passe-t-il ?

 

La mort, brièvement et rigoureusement définie, est la dislocation des trois éléments composant l'individu : l'esprit, l'âme et le corps. Il s'agit bel et bien d'une dislocation, d'une séparation, d'une dissociation et en aucun cas d'une « disparition ». De ces trois éléments, deux finissent plus ou moins rapidement par se dissoudre, le corps et l'âme, et le troisième, qui constitue la réalité de l'individu, trépasse, c'est-à-dire qu'il « passe au-delà ». Cela étant, puisque seul l'esprit constitue réellement l'individu et que l'âme et le corps ne sont que des vêtements nécessaires à l'existence terrestre, l'on remarque immédiatement que la mort, si étrange que cela puisse paraître, ne concerne absolument pas l'homme dans sa réalité, mais uniquement la monture qui lui est nécessaire pour le voyage terrestre. En somme, on peut dire que la mort, rigoureusement parlant, ne touche absolument par l'homme, qu'elle n'existe même pas pour lui puisque l'esprit est dans une continuité métaphysique nécessaire.

 

En d'autres termes, la mort n'est qu'une mutation, laquelle se produit, en vérité, plus d'une fois au cours de l'existence... Le mot même indique qu'il s'agit d'une mutation et de rien d'autre. En effet, si l'on admet que l'esprit est impérissable (et il l'est sans nul doute) et qu'on l'assimile symboliquement à l'élément feu dans le monde matériel, l'on voit que la MORT est une mutation (M) des éléments et rien de plus : eau (O), air (R) et terre (T). Si le « feu » est absent, c'est parce que la mort ne touche nullement l'esprit.

 

Mais alors, qu'est-ce qui est douloureux ? Pourquoi souffre-t-on ? Pour deux raisons : elle douloureuse d'abord par la crainte qu'elle inspire, car on ne sait pas ce qu'elle est et que l'on se fait mille idées chimériques et effrayantes à son sujet et, ensuite, par la perte qu'elle cause aux vivants. Pour prévenir celle-là, il faut comprendre la mort, pour empêcher celle-ci, il faut s'attacher à l'esprit et délaisser les formes, car seul les formes disparaissent.

 

L'on pourrait méditer, pour finir, sur ces vers que Lamartine met dans la bouche du sage Socrate :

« Et cet heureux trépas, des faibles redouté,

N'est qu'un enfantement à l'immortalité. »

(La Mort de Socrate)

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9 octobre 2017 1 09 /10 /octobre /2017 20:57

En arabe, « œil » se dit « 'ayn » ( عين ), et « 'ayn » est en même temps une lettre de l'alphabet arabe.

 

Quand on ouvre le Coran, après la brève sourate Al-Fatiha (L'Ouverture) qui est « la mère du Coran » selon les mots du Prophète sws, on tombe sur Al-Baqara qui commence par les fameuses et mystérieuses lettres Alif, Lâm et Mîm. ( الم ) qui contiennent tout. On y porte, perplexe, l'attention et l' « œil » ('ayn) et on obtient curieusement le mot « 'alam » ( عالم ), lequel signifie « monde ». Or le croyant sait que Dieu n'est pas « dans » le monde, par conséquent il convient d'omettre la lettre Alif, qui symbolise entre autres Dieu, du mot et l'on voit ainsi apparaître le mot « 'ilm » ( علم ), « connaissance ».

 

Que pourrait-on déduire ces curiosités ? Quand l'idée me traversa l'esprit hier au soir, j'en fus étonné et me dis que ce n'était qu'étranges fantaisies de mon esprit dérangé, mais elle persistait, si bien que je finis par la considérer et, en fin de compte, la fantaisie ne me semble pas absurde.

 

L'apparence des choses, donc, en somme, le monde, s'offre à nos regards et l'on ne peut la nier sans tomber dans l'absurdité. Mais, puisque que l'on sait qu'il s'agit d'une apparence, l'on déduit aisément que cette apparence ne peut contenir l'essence. On se trouve ainsi dans un monde purement phénoménal, dépourvu de réalité. Que reste-t-il alors ? La connaissance, qui est d'ordre transcendant ou, pour le dire autrement, qui est un rayon de soleil perçant les ténèbres du monde pour guider l'homme dans son ascension. Dieu aidant, c'est ce cheminement qui conduit le regard de l'apparence vers l'essence par l'intermédiaire de la connaissance. Quelle essence ? Celle où la connaissance même, l'outil salvateur, disparaît simplement... L'un des sens du mot socratique « tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien » est cette « disparition » de la connaissance sans doute. « Je ne sais rien, parce qu'il n'y a rien à savoir », mais pour comprendre qu'il n'y a « rien à savoir », il y a un long cheminement à faire en fonction de certaines règles et sous certaines conditions.

 

Quelle essence ? Silence !

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8 octobre 2017 7 08 /10 /octobre /2017 15:10

Certains ont tendance, dans leur vie quotidienne, à éviter autant qu'ils le peuvent les gens qu'ils considèrent, à juste raison peut-être, comme « mauvais », « négatifs », « pestifères ». Ils sont, évidemment, encore plus réticents à lier des liens avec cette catégorie ou à envisager des amitiés. Cette attitude se comprend, du moins à un certain niveau. Mais elle soulève par ailleurs certaines questions.

Les jugements que l'on porte sur soi et sur les autres, positifs ou négatifs, sont les produits de notre perception extérieure dans tous les cas, de notre mental, ce qui veut dire que l'on est parfaitement incapable de considérer les événements et les êtres d'après leur réalité essentielle et transcendante. Dès lors, comment peut-on être catégorique sur ce que l'on pense d'abord sur soi-même et, à plus forte raison, sur le jugement négatif que l'on peut porter sur tel individu « pestifère », au point de l'exclure même de notre présence ?

L'autre question qui se pose est la suivante : en admettant que l'on soit bon soi-même, ne serait-il pas judicieux de chercher précisément la compagnie des « pestifères », au lieu des les exclure de nos cercles, pour les influencer positivement, d'une manière ou d'une autre, ne serait-ce que par notre simple présence ? Il est tout à faire naturel de se lier à des gens aimables, droits, instruits etc., mais notre devoir n'est-il pas aussi de côtoyer ceux qui le sont moins ? Dieu n'a exclu personne de Sa Miséricorde, au nom de quoi peut-on, nous, exclure les « mauvais » de notre « miséricorde humaine » ? Et si l'on est musulman, que ferait-on alors du commandement du Prophète sws où il nous a enjoints d'aider aussi bien l'homme qui fait du bien que celui qui fait du mal, en favorisant les desseins de celui-là et en retenant la main de celui-ci ?

Cela dit, cette ouverture a une condition et une certaine limite. Si l'on est soi-même chancelant, pour ainsi dire, la fréquentation des « pestifères » peut nous être mortelle, parce que l'on risque d'être entraîné sur la pente destructrice que le Malin leur a fait prendre. En revanche, si l'on est ferme et solidement assis sur de sains principes, l'on ne peut courir aucun risque. Quant à la limite, elle dépend de la « réceptivité » ou de la « malléabilité » des « pestifères » eux-mêmes. Certains sont dans de telles situations, dans des ténèbres si épaisses, dans un malheur si inextricable qu'il serait difficile d'envisager un « travail » avec eux. Mais ces cas, heureusement, ne sont pas les plus répandus.

 

L'apparence du mal est-elle donc réelle ?

Devons-nous reculer en voyant le Malin 

Broyer entre ses dents un malheureux humain, 

Ou nous mettre au travail pour vaincre le Rebelle ?

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