SUPPRESSION DU LATIN
À Charles
Jusques à quand enfin, ô gibier de potence !
Vas-tu rire, en tyran, de notre patience ?
Combien de temps encor ton fol emportement
Suivra-t-il sa fureur avec acharnement ?
Le blâme des partis, la voix des dignitaires,
Les citoyens nombreux qui furent signataires
Du désaveu public condamnant, justement,
Les effets corrupteurs de ton égarement,
Le courroux bouillonnant, les croissantes tempêtes
Qui troublent sans répit nos âmes inquiètes,
Tout cela n'a-t-il donc nul effet à tes yeux
Pour te faire oublier tes desseins odieux ?
Tes méfaits sont connus, et chacun a conscience
Que tu es pour la ville une immense nuisance,
Car tout projet sorti de ton esprit sournois
Nuit à l'instruction des enfants genevois.
Oui, Charles, on le sait ! La ville unanime
Réprouve dès longtemps cette pente de crime
Que tu descends avec la seule ambition
De réduire à néant toute notre instruction ;
Et la Curie en deuil, désormais avertie,
Te montre, en se taisant, la porte de sortie...
Le peuple te regarde, et scrute à tout moment
De tes forfaits conçus l'affreux enfantement,
Le Sénat te poursuit avec sa vigilance
Et te voudrait vaincu par sa seule clémence.
Mais toi...O temps, ô mœurs ! Loin de te repentir,
Tu méprises son vœu, tu railles son soupir,
Et, ignorant l'effet du vote populaire,
Tu maintiens, impudent ! ton projet délétère.
Que te faut-il de plus ? Quels autres désaveux
Voudrais-tu pour barrière à tes desseins honteux ?
Veux-tu que les élus, que tout le peuple en masse
À grands coups de bâton de la cité te chasse,
Et efface à jamais de nos institutions
Ton nom, lourd de méfaits, et tes noires actions ?
Veux-tu que les torrents d'une juste colère
Répriment ton audace et brisent ta carrière ?
Ah !... Faut-il en venir à cette extrémité
Pour freiner les effets de ta témérité ?
Allons ! Reprends-toi donc ! délaisse tes caprices !
Recouvre ce bon sens dont les fastes prémices
T'ont permis d'accéder, lors des votations,
Aux honneurs passagers des hautes fonctions.
Redore ton image aux yeux de notre ville
En honorant, enfin, la langue de Virgile !