– Tu vas voter pour qui ? – Pour la lucidité,
Pour qu'elle éclaire enfin tout ce peuple hébété.
– Tu racontes quoi mec ? Je ne pige que dalle !
– Sers-toi d'une corde ou tire-toi une balle...
– Quoi ? Je ne capte rien...tu m'embrouilles l'esprit...
– J'aurais bien aimé... mais on te l'a déjà pris.
– Tu pourrais m'éclairer avec intelligence ?
– Mes propos sont sensés, mais tu es en démence...
– Tu me prends pour un sot, me traites de dément ?
Éclaire-moi, sinon... – Soit ! Je parle autrement :
(Comment puis-je verser, en un discours limpide,
Le fond de mon propos dans un chef...un peu vide ?...)
Vois-tu, cher citoyen, ce suffrage trompeur,
Loin de vous préparer un quelconque bonheur,
Est conçu par vos chefs, avec ruse et adresse,
Pour maquiller un crime et leur scélératesse :
Ces gibiers de potence ont renversé le roi
Et vous ont enchaînés avec leur propre loi,
Tout en vous affirmant que le roi sanguinaire
Fut chassé du pouvoir par l'ire populaire.
Mais c'est eux-mêmes qui, mus par l'avidité,
Par la soif du pouvoir et par l'impiété,
Unirent quelques gueux, vierges d'intelligence,
Et formèrent bientôt cette effroyable engeance
Qui mit, en peu de temps, tout à feu à sang
Et tua sans merci des millions d'innocents.
(Quel était donc, au fond, l'impardonnable crime
Qui transforma soudain tout un peuple en victime ?
Ce fut un sentiment : la sainte loyauté
Envers leur croyance et envers la royauté.)
Le forfait consommé, l'engeance diabolique
Institua bientôt l'infâme République,
Et put, par ce moyen sournois et désastreux,
Enchaîner à jamais le peuple malheureux.
Celui-ci, abusé par l'aspect de la chose,
Ignorant du forfait la véritable cause,
S'estima libéré et crut naïvement
Qu'il se ferait sa loi et son gouvernement,
Mais il tomba, en fait, sous le joug despotique
D'une clique du gueux, sinistre, méphitique...
Cela dit, citoyen, crois-tu que j'ai dessein
D'apporter mon appui à ce sinistre essaim
De dupeurs patentés, de déchets politiques,
Qui n'a cure de nous et de nos maux profite...?
Je ne puis consentir, puisque j'en ai le choix,
A louer ces fripons par l'effet de ma voix.
Je voudrais seulement que l'on prît conscience
Du jeu politique et agît en conséquence,
Je voudrais... – Ça suffit ! tais-toi ! Je n'en peux plus !
J'ai mal à t'écouter et le cerveau perclus !
Je n'ai rien entendu à ta réponse folle
Et m'en veux de t'avoir adressé la parole !
– Soit, va donc voter mais...souviens-toi, en votant,
Que la « démocratie » est un leurre patent !