Mon sort est accompli. Votre gloire s'apprête.
Assez d'autres sans moi, témoins de cette Fête,
À vos heureux transports viendront mêler les leurs.
Pour moi, qui ne pourrais y mêler que des pleurs,
D'un inutile amour trop constante victime,
Heureux dans mes malheurs, d'en avoir pu sans crime
Conter toute l'histoire aux yeux qui les ont faits,
Je pars, plus amoureux que je ne fus jamais.
Que vous dirai-je enfin ? Je fuis vos yeux distraits
Qui me voyant toujours, ne me voyaient jamais.
Adieu, je vais, le cœur trop plein de votre image,
Attendre en vous aimant,la mort pour mon partage.
Surtout ne craignez point qu'une aveugle douleur
Remplisse l'Univers du bruit de mon malheur,
Madame, le seul bruit d'une mort que j'implore,
Vous fera souvenir que je vivais encore.
N'en doutez point, Madame, et j'atteste les Dieux
Que toujours Bérénice est présente à mes yeux.
L'absence, ni le temps, je vous le jure encore,
Ne vous peuvent ravir ce cœur qui vous adore.
Adieu, ne quittez point ma Princesse, ma Reine,
Tout ce qui de mon cœur fut l'unique désir,
Tout ce que j'aimerai jusqu'au dernier soupir.
Mon cœur se gardait bien d'aller dans l'avenir
Chercher ce qui pouvait un jour nous désunir.
Je voulais qu'à mes vœux rien ne fût invincible,
Je n'examinais rien, j'espérais l'impossible.
Que sais-je ? J'espérais de mourir à vos yeux,
Avant que d'en venir à ces cruels adieux.
Il faudra vous combattre et vous craindre sans cesse,
Et sans cesse veiller à retenir mes pas
Que vers vous à toute heure entraînent vos appas.
Que dis-je ? En ce moment mon cœur, hors de lui-même
S'oublie, et se souvient seulement qu'il vous aime.
Qu'ai-je donc fait, grands Dieux ! Quel cours infortuné
À ma funeste vie aviez-vous destiné ?
Tous mes moments se sont qu'un éternel passage
De la crainte à l'espoir, de l'espoir à la rage.
Il est temps que je vous éclaircisse.
Oui, Seigneur, j'ai toujours adoré Bérénice.
Pour ne la plus aimer, j'ai cent fois combattu.
Je n'ai pu l'oublier,au moins je me suis tu.