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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 14:19

Car enfin n'attends pas que mes feux redoublés,

Des périls les plus grands, puissent être troublés.

Puisqu'après tant d'efforts ma résistance est vaine,

Je me livre en aveugle au transport qui m'entraîne,

J'aime, je viens chercher Hermione en ces lieux,

La fléchir, l'enlever, ou mourir à ses yeux.

 

Tel est de mon amour l'aveuglement funeste.

Vous le savez, Madame, et le destin d'Oreste

Est de venir sans cesse adorer vos attraits,

Et de jurer toujours qu'il n'y viendra jamais.

Je sais que vos regards vont rouvrir mes blessures,

Que tous mes pas vers vous sont autant de parjures.

Je le sais, j'en rougis. Mais j'atteste les Dieux,

Témoins de la fureur de mes derniers adieux,

Que j'ai couru partout, Où ma perte certaine

Dégageait mes serments, et finissait ma peine.

J'ai mendié la Mort, chez les Peuples cruels

Qui n'apaisaient leurs Dieux que du sang des Mortels :

Ils m'ont fermé leur Temple, et ces Peuples barbares

De mon sang prodigué sont devenu avares.

Enfin je viens à vous, et je me vois réduit

À chercher dans vos yeux une mort qui me fuit.

Mon désespoir n'attend que leur indifférence,

Ils n'ont qu'à m’interdire un reste d'espérance.

Ils n'ont, pour avancer cette mort où je cours,

Qu'à me dire une fois ce qu'ils m'ont dit toujours.

Voilà depuis un an le seul soin qui m'anime.

Madame, c'est à vous de prendre une Victime,

Que les Scythes auraient dérobée à vos coups,

Si j'en avais trouvé d'aussi cruels que Vous.

 

Et que veux-tu que je lui dise encore ?

Auteur de tous mes maux crois-tu qu'il les ignore ?

Seigneur, voyez l'état où vous me réduisez.

J'ai vu mon Père mort, et nos Murs embrasés,

J'ai vu trancher les jours de ma Famille entière,

Et mon Époux sanglant traîné sur la poussière,

Son Fils seul avec moi réservé pour les fers.

Mais que ne peut un Fils, je respire, je sers.

Je fais plus. Je me suis quelquefois consolée

Qu'ici plutôt qu'ailleurs le sort m'eût exilée ;

Qu'heureux dans son malheur, le Fils de tant de Rois,

Puisqu'il devait servir, fût tombé sous vos lois.

J'ai cru que sa Prison deviendrait son Asile.

Jadis Priam soumis fut respecté d'Achille.

J'attendais de son Fils encor plus de bonté.

Pardonne, cher Hector, à ma crédulité.

Je n'ai pu soupçonner ton Ennemi d'un crime,

Malgré lui-même enfin je l'ai cru magnanime.

Ah ! s'il l'était assez, pour nous laisser du moins

Au Tombeau qu'à ta Cendre ont élevé mes soins ;

Et que finissant là sa haine et nos misère,

Il ne séparât point des dépouilles si chères.

 

 

Grâce aux Dieux ! Mon malheur passe mon espérance.

Oui, je te loue, ô Ciel ! de ta persévérance.

Appliqué sans relâche au soin de me punir,

Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir.

Ta haine a pris plaisir à former ma misère,

J'étais né, pour servir d'exemple à ta colère,

Pour être du Malheur un modèle accompli ;

Hé bien, meurs content, et mon sort est rempli.

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