Fantaisie verbale

« Avouer » veut dire « reconnaître quelque chose comme vrai », donc « s'avouer » signifier « se reconnaître comme vrai ». « S'avouer » veut dire par conséquent « affirmer l'existence du moi » et déclarer vraie ladite existence, à ses propres yeux d'abord et puis aux yeux du monde.

Sachant que le moi, qui est pure illusion, est précisément l'obstacle « satanique » entre la conscience et le Vrai, s'avouer implique non seulement la reconnaissance d'un mirage, mais encore l'affirmation de celui-ci comme comme quelque chose de vrai ; or cette prétendue vérité, celle du moi, a une conséquence nécessairement fâcheuse pour l'individu. Il entraîne en effet le voilement du Vrai, puisque celui-lui se trouve masqué par la vérité apparente du moi chimérique. En d'autres termes, s'avouer, c'est nier partiellement ou totalement le Vrai.

Que faire donc ? Se nier. Comment ? Par l'étude ? Certes, mais encore ? Par l'introspection ? Assurément, mais cela ne suffit pas. Que faire de plus alors ? Changer le préfixe du verbe et, partant, notre vision du monde et la perception que l'on a du moi illusoire : « s'avouer » doit devenir « se dévouer ». Le monde devient alors, du jardin fécond où l'on sert pour nourrir le moi, un champ de bataille plus ou moins contraignant où l'on a un travail à faire, et ce travail se fait par le Service, ou le Dévouement, c'est-à-dire l'abandon du moi au profit du Soi. Le dévouement, c'est l'usure du moi, dans la mesure du possible, en faveur des autres et dans cette usure, il n'y a pas même l'ombre de l'usure ; c'est le don de soi volontaire et désintéressé, c'est le Service sans espoir de bénéfice. C'est ce don, ce service, ce dévouement qui effacent progressivement le moi et son existence apparemment réelle et immergent doucement l'individu dans la Réalité éternelle.