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20 novembre 2016 7 20 /11 /novembre /2016 17:00

Il était, près du Djebel Chambi, un enfant qui avait à peine dix ans et qu'on avait surnommé « Dhouibi », ce qui veut dire « Petit loup », parce que malgré son jeune âge il courait et furetait dans tout l'alentour du village. On le voyait, tantôt près de l'oued, occupé à traquer quelque bête, tantôt dans les ruines de l'ancien village, à la recherche d'on ne sait quoi. De toutes ces fugues et vagabondages, il rapportait de petits trésors : une queue de serpent, une ancienne pièce de monnaie, un os de chameau, une pierre trouée et encore bien d'autres choses.

Mais ce qu'il aimait surtout, c'était de grimper au plus haut des ruines pour y regarder l'horizon. Il se disait que là où le ciel et la terre se rejoignent, il devait bien y avoir quelque chose à trouver. « Je voudrais voir l'horizon, pensait-il. Je voudrais le toucher. »

Un matin, à l'insu de ses parents, il fit son bagage et se mit en route non sans avoir demandé à son grand-père ce qu'il y avait à l'horizon ; lequel lui répondit :

─ Je ne sais trop. Tout ce que je sais, c'est que là-bas (et il désignait du doigt la croupe de la montagne) il y a un autre village qui était une étape pour les pèlerins. Il n'est pas trop loin. Que Dieu t'accompagne et reviens-nous vite : tu nous es cher.

Et Dhouibi se mit en route, sa besace à l'épaule. Après quelques heures de marche, il atteignit l'autre village qui lui parut beaucoup plus beau que le sien : les maisons semblaient mieux bâties, les gens plus accueillants et la voix du muezzin beaucoup plus douce. Ce dernier le fit monter au plus haut du minaret pour qu'il puisse bien voir le paysage.

─ Qu'y a-t-il là-bas ? demanda-t-il en pointant du doigt l'horizon ?

─ Là-bas, il n'y a plus rien, sauf un bordj inhabité depuis longtemps. Il est à deux heures de route. Je vais te donner de l'eau, du lait et des dattes. Que Dieu t'aide.

Dhouibi atteignit le bordj. Contrairement à ce que lui avait dit le muezzin, il y rencontra quelqu'un : un vieil homme qui vivait de presque rien et passait son temps en méditation et prière. Il le reçut dignement et lui proposa le gîte. Dhouibi le remercia et s'endormit.

Le lendemain, voyant l'aube s'allumer, il demanda à l'homme :

─ C'est encore loin l'horizon ?

L'autre sourit et dit :

─ Je le cherche depuis longtemps et ne l'ai pas encore atteint. Mais je commence à le connaître.

─ Et comment donc ?

─ En demeurant ici. L'horizon n'est pas là-bas. Il est dans notre tête comme il est dans la tienne, qui me semble bien formée. Nous courons tous après l'horizon et nous peinons à le trouver.

Parce qu'il est limite. Tu comprendras cela plus tard et peu à peu. Tu es déjà en progrès, Dhouibi, puisque tu as eu le courage de marcher jusqu'ici. Et maintenant retourne dans ton village : tu y verras plus d'horizons que tu ne connaissais pas.


Contes des sages du désert

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