O passant curieux qui cherches en ces lieux
A saisir quelques traits pour me connaître mieux,
Tu sais bien que chacun, malgré son apparence,
Dissimule en son sein un univers immense,
Profond, mystérieux, sans bord, sans horizon,
Échappant au regard ainsi qu'à la raison,
Dont la connaissance est pour tout autre impossible...
Je suis, tout comme toi, mystère inaccessible,
Un amas nébuleux duquel l'immensité
Comprend tout ce qui est et ce qui a été...
Comment donc pourrait-on aspirer à connaître
A travers quelques mots les mystères de l'être ?
Comment donc pourrait-on déceler l'inconnu
Et mettre par des mots tout un esprit à nu ?
Comment donc pourrait-on, par le verbe futile,
Issu de la matière insignifiante et vile,
Percer adroitement le voile des esprits
Sans tomber dans l'erreur ou bien dans le mépris ?
Que dire donc de moi ? qu'en saurais-je moi-même ?
Qui suis-je ? Un scélérat méritant l'anathème ?
Un homme vertueux aux mille qualités
Dardant de ses rayons les esprits hébétés ?
Suis-je bon ou mauvais ? médiocre ? magnanime ?
Vautré dans la fange ou mitoyen du sublime ?
Avare ? bas ? petit ? grand ? noble ? généreux ?
Un homme clairvoyant ou sot et malheureux ?
Qui pourrait y répondre avec ferme assurance,
Me disant vertueux ou gibier de potence ?
Je ne puis t'éclairer...et il me semble bien
Que cette question, au fond, ne sert à rien...
Je suis tout à la fois, puisque je suis un homme,
Ou du bien et du mal la formidable somme.
Cependant, comme toi, je tâche d'exprimer
Ce qui peut élever et non pas abîmer...